samedi 3 septembre 2016

Influences et inspirations - Bande dessinée : White Trash

Je viens d'acheter cette BD : White Trash.




L'histoire :

Mort depuis des années, le King du rock débarque dans un bar où il essaie de renégocier le pacte qu'il a passé avec un démon. Ce dernier accepte à la condition que celui-ci fasse un come-back et joue au Caesar's Palace de Las Vegas... Au beau milieu des grands espaces, Dean, un rocker portant un bandana sur la tête et des écouteurs aux oreilles se trouve obligé de faire du stop après de nouveaux déboires. Déboulant au volant d'un cabriolet rose, le King freine brusquement et l'invite à bord. Après une mise au point très clair sur les choses qu'il n'accepte pas, le King met le pied au plancher. Il doit se rendre à Las Vegas et ce ne sont les divers pièges qui seront placés sur sa route qui vont l'en empêcher...




Excellentissime initiative d’Ankama, que d’éditer enfin « White Trash » en VF ! L’occasion pour le public français qui ne le connaîtrait pas d’admirer le talent ébouriffant de Martin Emond, artiste de comics malheureusement disparu bien trop tôt, et dont les trop rares bandes dessinées ont émergé durant une partie des années 1990… « White Trash » fut la première vraie grande expérience d’Emond dans l’univers des comics, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce coup d’essai fut un coup de maître. Rennie + Emond = bombe mentale et visuelle, ni plus ni moins. « White Trash », c’est un road movie très haut en couleur qui dépeint tout ce qu’il y a de plus crade et dangereux dans la culture et l’histoire de l’Amérique, exprimant en creux la nécessité de la révolte par la culture rock. C’est drôle, c’est trash, c’est génialement con : un p… de bon moment de lecture et de… rock n’ roll, man ! Oh yeah ! #%§$#£& !!!




« White Trash », c’est la rencontre entre un jeune fan de hard FM typique de l’époque Guns n’ Roses (il ressemble d’ailleurs beaucoup à Axel Rose) et un vieux rocker-trasher qui se présente comme étant… Elvis. Le King lui-même ! Durant tout l’album, tout le monde fait comme si c’était vraiment Elvis tout en pensant que c’est un escroc, mais bon, faut pas trop l’ouvrir… sous peine de mourir d’une manière atroce ou une autre. « White Trash », la rencontre entre l’incarnation des racines du rock et sa descendance joliment déglinguée… et ça déménage ! Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le jeune Dean suivant aveuglément le vieux King au sein d’un road movie saignant et explosif au sein des terroirs les plus reculés de l’Amérique… Et tout y passe : fondamentalisme religieux, morale hypocrite, société de consommation, racisme, homophobie, culture des armes, nostalgie militaire, malbouffe, violence, nationalisme, bêtise médiatique, publicité aliénante… Mais ici, il ne s’agit pas d’un récit où de gentils héros moraux se confrontent à la saloperie du monde, dans un manichéisme trop souvent de rigueur, non : notre duo est aussi violent que ce qu’ils affrontent, le King provoquant tout et n’importe quoi sur son passage en déclamant des discours « plus-réac-tu-meurs »… Derrière cette farce punk se cache un véritable appel à la désobéissance civile, au refus de la merde qu’on nous sert comme culture, et à la jouissance hédoniste dans un monde trop moche… mais aussi à l’intelligence du lecteur.

« White Trash », c’est un terme apparu vers la moitié du XIXe siècle, utilisé par les « bons Américains » travailleurs et moraux pour désigner ceux qu’ils considéraient comme étant les parasites de la société selon leurs appréciations et clichés : pauvres, gros, alcooliques, sales, etc. Une certaine image d’un conservatisme crasse issu des bas-fonds de l’Amérique… Inutile de dire que le terme est insultant, et il n’est pas étonnant que Rennie l’ait pris comme titre pour ce portrait au vitriol de l’Amérique… De la première à la dernière planche, chaque case est une charge – explosive – contre la connerie, contrecarrant cette connerie par une connerie encore plus grosse, lorgnant vers un absurde trash qui serait une sorte d’enfant punk du slapstick : aucune explosion ou coup ou balle ne semble pouvoir faire mourir les héros, tout cela étant « pour de rire » même si le fond est on ne peut plus sérieux… Outre les outrances de la BD underground des années 1960-70, on retrouve donc aussi ici des ramifications avec l’esprit des cartoons (le coyote qui se fait écraser par une roche immense et qui s’en relève malgré tout). Entre Chuck Jones et Sam Keith, l’art d’Emond est un carrefour d’influences tout à fait remarquable, beau à en chialer.

À Jones et Keith, on pourrait ajouter certaines signatures très symptomatiques de cette esthétique « punk peinte » qu’on a vu exploser à un certain moment grâce à des artistes comme Simon Bisley ou John Bolton… Emond s’inscrit dans cette mouvance d’exubérance peinte avec un sens chromatique époustouflant et un goût prononcé pour l’exagération du réel, oscillant entre anamorphose et hyperréalisme. Les couleurs sont éclatantes, redoutablement concoctées et agencées, spectacles visuels à la puissance chromatique exceptionnelle où vibrations, contrastes et harmonies engendrent un merveilleux univers foutraque et surpuissant. Mais la richesse du style d’Emond dépasse le simple domaine des comics, trouvant aussi dans le rock et la culture pop des influences en parfaite complémentarité : tatouages, pochettes de disques, pop art, psychédélisme, entre Frazetta et Peter Max… Après deux récits dans la revue Toxic ! et le début de « White Trash », Emond a réalisé plusieurs récits pour Heavy Metal, Epic ou Judge Dredd Megazine, ainsi que des épisodes de « Lobo » pour DC… Il œuvra au sein de la culture rock avec des dessins pour des vêtements sérigraphiés, ou en compagnie de Glenn Danzing, figure du rock assez proche du King de « White Trash », finalement, avec son look à la Elvis et son goût pour l’horreur et l’érotisme… Malheureusement, en 2004, à l’âge de 35 ans, Martin Emond s’est pendu, dernière sale blague de ce trublion punk hyper doué qui avait encore tant à vivre et à nous offrir… Mais peut-être ce monde était-il vraiment trop dégueulasse pour lui, et il s’en est allé en faisant un doigt d’honneur à tous les cons… Boarf… Triste…

Quoi qu’il en soit, jetez-vous sans retenue sur cet album afin d’admirer avec délectation l’esthétique déglinguo-pompier-underground-pop-psyché-rock d’Emond. Mon Dieu, comme c’est beau… quelle tristesse… pfff… c’est comme ça… Mais que le talent indécent d’Emond ne nous fasse pas oublier le scénario rock n’ roll et iconoclaste de Gordon Rennie qui rue dans les brancards sans aucune concession, usant de la provocation et de l’absurde dans une outrance entendue plus que bienvenue pour contrer l’horreur par le rire. Rennie, lui aussi, s’inscrit dans une mouvance typique de cette époque où certains scénaristes britanniques – dont des compatriotes écossais – ont commencé à bousculer les normes made in USA pour mettre un peu beaucoup passionnément les pieds dans le plat. La rencontre entre Rennie et Emond a bel et bien engendré un magnifique fruit symptomatique de cette période si riche en changements artistiques et culturels au sein des comics, arrivant aujourd’hui jusqu’à nous avec toute sa fraîcheur et son énergie, témoignage émouvant et revigorant plein d’originalité brute qui devrait raviver notre soif d’émotions fortes via les bulles. Le punk est mort, vive le punk ! (Source : BDZoom.com)









Comme décrit dans cet article, j'ai commencé à lire White Trash et je reconnais bien dedans des influences et l'humour de BD comme Lobo, Judge Dredd mais aussi Tank Girl que réédite la même maison. De bonnes idées pour une aventure de type Road Trip trash.




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