lundi 27 mai 2019

Les Maîtres du temps - René Laloux

Ce weekend, j'ai revu les Maîtres du temps (ha la magie de YouTube et d'une Chromecast...). Je n'avais pas regardé ce film depuis une éternité et je voulais le faire découvrir à mon Fils, il a adoré tout comme Gandahar que je lui avais déjà fait voir l'an passé, ça fait plaisir de voir qu'il est plus sensible à ce type d'animation ou encore du Ghibli par exemple qu'à toutes ces soupes qu'on nous sert en pagaille en général, animation oui !!! mais contenu de qualité.




Résumé du film Les Maîtres du temps


Piel, un petit garçon en compagnie de son père, atterrit sur une planète sauvage, Perdide. Avant de mourir, son père réussit à contacter son ami Jaffar, et lui demande de sauver son fils Piel, désormais seul sur cette planète.

Piel reçoit de son père un microphone, son seul moyen de contact avec Jaffar qui, avec des compagnons, vont lui parler tout au long du voyage en lui donnant de judicieux conseils.

En compagnie de son vieil ami Silbad, un vieux boucanier rusé et plein de ressources, Jaffar se dirige vers Perdide pour sauver le petit Piel. Mais plusieurs incidents vont se dérouler au cours de l'aventure... sans compter que l'espace recèle bien des mystères.




Le dessin animé offre des possibilités fantastiques pour transcrire des visions et des histoires absolument fantastiques. Hélas pour nous, la mode des films de Walt Disney demeure si ancrée dans nos institutions que les dessins animés qui se permettent d’être originaux sont rares. Certes, il y a bien eu Ralph Bakshi, mais l’échec commercial de Tygra a stoppé net sa carrière. L’animation japonaise peut être jouissive mais pour un Akira ou un Laputa, combien de choses décevantes. Toutefois, un maître du dessin animé d’auteur était français et il se nomme René Laloux. Une des ses œuvres les plus notables se nomme "Les Maîtres du temps", et elle demeure une réussite artistique inégalée.

Les Maîtres du temps demeurent tirés d’un livre de l’écrivain français Stefan Wul, alias Pierre Pairault, qui l’a écrit en 1958. Il s’agit d’une œuvre assez intéressante qui ne fut pas condamnée à dormir sur l’étagère de collectionneurs avertis de Sf. René Laloux demeure un animateur de renom, qui s’est battu toute sa vie afin de monter les œuvres qu’il avait en tête.




Né en 1929, René Laloux s’est toujours intéressé à la peinture puis à l’animation, un art qui permet l’expression d’une imagination très intense, si on en a l’ambition. Il a collaboré avec Roland Topor (Téléchat !) sur des programmes mais il a réussit à monter en 1973 la planète sauvage, un film d’animation que l’on pourrait qualifier d’expérimental quoiqu’il soit abouti. La planète sauvage a rencontré un certain succès, il fut notamment sélectionné à Cannes mais René mis 9 ans à ce que son second long-métrage aboutisse, ce sera le superbe "Les Maîtres du temps".




La production des Maîtres du temps ne fut pas une sinécure, ce fut même un parcours difficile. René Laloux connaissait les œuvres de Stefan Wulf et il lui a proposé d’adapter l’orphelin de Perdide en dessins animés. Le travail d’adaptation prit fin en 1977 et un judicieux producteur, Jacques Dercourt, s’emballe pour le projet qu’il mène avec la firmeTélécip. La production revoit quelque peu le scénario, qui fait appel au dialoguiste Jean-Patrick Manchette. Moebius est sollicité en 1979, il s’agit d’une pièce maîtresse du film qui apporte son savoir et son talent aux designs des personnages et des décors. Moebius a continué en donnant des indications de couleurs pour les scènes, élaboré un story bord en 10 volumes, ce qu’il lui a pris deux mois et demi.




L’élaboration de la partie animée s’est faite à Budapest, par le Pannomia film studio. 110 personnes vont travailler pendant un an. Le problème est qu’il fallait payer mieux les dessinateurs car leurs salaires étant faibles, ils avaient d’autres activités professionnelles ! Il fallu donc jongler en terme de production mais le travail, élaboré à bases de cellulos (contrairement à la Planète sauvage) demeure d’une rare qualité. La musique demeure également un élément abouti des Maîtres du temps. C’est donc l’œuvre de Pierre Tardy et Christian Zanesi qui font la BO mais également l’environnement sonore des mondes des Maîtres du temps. Pour ce qui est de la BO, le morceau final qui accompagne le sort final de l’un des personnages (voire plus), demeure une splendide réussite, peut-être même l’un des tous meilleurs morceaux de chant classique couplé à un film. Comme tous les éléments du film, les artistes qui ont participé aux Maîtres du temps ont fourni une excellente prestation.

Le film est finalement fini à la fin 1981 et un accord est passé avec Tf1 pour la coproduction, ce qui demeure hautement nécessaire pour un film de cette ambition. Il y eut une promotion, assez timide, qui ne permit pas mille fois hélas aux Maîtres du temps de remporter le succés qu’il mérite. Le film est d’ailleurs passé quelques années sur Tf1, alors chaîne d’Etat, pour les vacances de Noël. Le seul tort des Maîtres du temps demeure paradoxalement la qualité de son œuvre : les enfants n’ont pas compris le film à l’époque et les adultes n’ont pas tenté en masse ce beau voyage à l’aventure. Le public le plus alerte fut celui de Métal Hurlant, grâce à la collaboration inspirée de Moebius, mais il ne fut pas hélas assez nombreux.




Il y eut un adroit marchandising autour du film puisque il eut le droit, simultanément à sa sortie, à une adaptation en Bd (ce qui apparaît naturel), un 33 tours qui raconte l’histoire du film, un soutien actif de Métal Hurlant, des cahiers d’écoliers. Un fait m’échappe, je ne sais plus si les deux petits télépathes, élément qui permet aux Maîtres du temps d’être accessible aux enfants, ont été éditées en figurines (ma mémoire demeure incertaine). Donc les Maîtres du temps a bénéficié d’une promotion indirecte à laquelle très peu de films modernes avaient le droit.




La carrière du film ne fut pas florissante, elle-aussi. Les maîtres du temps se nomment The Time Masters en langue anglaise et il fit un flop aux USA. Toutefois, ceux qui ont vu Les Maîtres du temps avec une bonne disposition ont pu être séduit par cette si belle histoire, qui mêle splendeur des univers, féerie, adroite caractérisation des personnages et une histoire qui demeure tellement ingénieuse…

Les maîtres du temps offrent une histoire d’une grande qualité avec ce qu’on nomme de nos jours un twist. Ce « retournement de situation » est l’acte final, et celui des maîtres du temps demeure si bien agencé qu’il nous cloue dans notre fauteuil.




Le début du film nous montre Piel, un petit garçon, qui fuit avec son père une menace invisible et furieusement meurtrière. Le père a à peine le temps d’appeler à l’aide l'un des ses meilleurs amis, Jaffar, qu’il subit un terrible accident. Le père ordonne à Piel, âgé de quelques années seulement, pour se cacher dans une forêt dont le pistil éloigne la menace.




Jaffar ne perd pas de temps. Il cesse toute activité afin de converger sans attendre vers la planète Perdide. Mais il doit escorter par contrat un prince destitué, assez fourbe. Il est accompagné de sa maîtresse nommée Belle, qui demeure plus noble. Le périple qui mènera vers Perdide sera long et semé d’embuches.




Simultanément à la progression haletante de nos protagonistes, le petit Piel devra survivre à la forêt de Pistil qui recèle en son sein une pléthore de menaces, mais aussi quelques merveilles et animaux sympathiques. Le périple de Piel verra donc des animaux étranges, dont l’amusant et réussi Ouin-ouin, mais il communique avec un communicateur que lui a laissé son père. Il demeure donc relié à Jaffar, Belle et le prince félon mais ceux-ci iront chercher Piel avec l'aide de Silbad.




Silbad demeure un vieux loup de l’espace, qui semble tout connaître et notamment la rare Perdide. Il s’engage aux côtés de Jaffar spontanément et il sera utile pour prévenir le petit Piel des dangers qu’il encourt et le rassurer. Sur la planète de Silbad, tous assistent à l’éclosion d’une plante qui donne naissance à des petits êtres télépathes pour qui les pensées peuvent « sentir mauvais ». Deux de ces êtres, Jad & Yula, se joignent au périple de Jaffar.




Avant d’ espérer atteindre Perdide, tous seront confrontés à une autre planète étrange peuplée d’anges sans face. Ces anges raisonnent à l’unisson et ils sont tous reliés à un être télépathe, la conscience collective, qui retient tous les naufragés sous son joug. Il s’agira d’une aventure de plus pour Jaffar et ses pairs, dont un aura l’honneur de se distinguer et de se racheter, mais le temps presse horriblement pour le petit Piel. Il a atteint le centre de la forêt, hors d’atteinte du pistil, qui ne le protège plus des frelons qui ont tué ses parents et une bonne partie de la population.




J’arrête de narrer les aventures de Jaffar, Piel et les autres. Mais il faut que vous sachiez que la manifestation des Maîtres du temps demeure primordiale pour ce récit, qui raconte un des meilleurs paradoxes temporels jamais écrits (à ma connaissance, bien sûr). Le long métrage se scinde en deux parties distinctes, le périple du petit Piel et les aventures de Jaffar pour ne faire plus qu’un, sous l’intervention providentielle des Maîtres du temps. Ils permettent d’élever le thème du paradoxe temporel jusqu’à un haut niveau puisque les deux éléments ou lignes de l’histoire en forment une troisième et ultime, qui demeure fort déstabilisante. La réflexion que suscitent les Maîtres du temps, sur la synchronie liée au temps et les paradoxes, demeure lancinante encore longtemps après avoir vu le film. Aussi si vous ne le connaissez pas encore, ou que vous en ayez un souvenir diffus, je ne peux que vous conseiller de le visionner !




Féerie, mondes étrangers qui sont conçus avec une brillante imagination, caractérisation réussie de la plupart des personnages… Les maîtres du temps demeure une réussite splendide, preuve éclatante que le dessin animé peut prétendre à un niveau très élevé en ce qui concerne l’art. Ainsi la France célèbre le neuvième art avec conviction, pourquoi faut-il que le dessin animé (comptons les œuvres de René Laloux, Paul Girmault et tous les autres animateurs qui n’ont pas eu la chance de s’exprimer) ne soit pas reconnu à sa juste valeur ?




Sources diverses sinon je vous conseille une critique fort réussie sur l'excellent site Devil Dead.

Et aussi de vous plonger dans cet excellent livre "Les mondes fantastiques de René Laloux" que je chroniquais d'ailleurs ici.


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