dimanche 13 mai 2018

Inspiration - Film : Chappie

On s'est regardé "Chappie" et franchement on a passé un bon moment, un bon petit film et l'envie de trouver une figurine ressemblante à ce robot pour l'inclure à nos aventures, à voir...




Synopsis :

Dans un futur proche, la population est opprimée par une police robotisée. Chappie, l’un de ces droïdes policiers, est kidnappé.

Reprogrammé, il devient le premier robot capable de penser et ressentir par lui-même. Mais des forces puissantes considèrent Chappie comme un danger pour l’humanité et l’ordre établi...




En deux films, Neill Blomkamp s’est imposé comme l’un des cinéastes SF les plus intéressants et novateurs du moment. Abandonné par la Fox alors qu’il se démène pour mener à bien son adaptation live du célèbre jeu-vidéo Halo, le cinéaste trouvera rapidement le moyen de rebondir en dévoilant quelques années plus tard le remarquable District 9 (très bon, je l'avais vu il y a quelques années, j'en parlerai aussi à l'occasion). Fable fantastique sur un apartheid utopique entre les humains et une race d’extraterrestre involontairement échouée dans le ciel de Johannesburg, le film impose un style, une vision et surtout un message. Autant d’éléments qui définissent aujourd’hui son cinéma. Avec Chappie, Blomkamp reste fidèle à son approche et livre une œuvre fantastique forte, généreuse et dotée de réels enjeux dramatiques.

Chappie est l’un des premiers scripts rédigés par Neill Blomkamp, mais pourrait aujourd’hui venir conclure une « trilogie » tournée en plein cœur de la capitale sud-africaine. Si le film est bien différent des audacieux District 9 et Elysium (pas mal aussi) dans sa trame narrative, Chappie cultive en effet sa filiation par des questions de fond communes. Chappie affiche une nouvelle fois les thématiques chères à son géniteur, à savoir une dénonciation plutôt habile du rejet de la différence, de la montée en puissance de l’individualisme et du culte de l’argent. Le robot Chappie matérialise ici l’élément perturbateur, le « mouton noir » incompris et rejeté pour sa différence. Un « être » intelligent que l’on préfère détruire plutôt que comprendre, fusion presque Kafkaïenne entre un intellect humain et un corps étranger. Une idée de transhumance / métamorphose que le cinéaste pousse d’ailleurs comme toujours à son paroxysme dans son développement, Elysium et District 9 étant déjà plus ou moins basés sur l’idée de l’évolution physique et intellectuelle de l’homme, transformation jugée menaçante. Le sujet n’a certes rien de foncièrement novateur – RoboCop en faisait son leitmotiv dès la fin des eighties –, mais reste une nouvelle fois extrêmement bien traité par un Neill Blomkamp qui n’use de la critique qu’en filigranne. Car au-delà de son message social sous-jacent, Chappie se dresse avant tout en long-métrage puissant et incroyablement touchant.

Chappie a du cœur. Simple et efficace, l’histoire de Blomkamp vise juste. Codée par un ingénieur jusqu’ici limité à la création d’armes de défense, la première véritable intelligence artificielle est transmise dans le corps d’un ancien robot-flic destiné au pilon. L’affaire se complique lorsque l’entité cybernétique et son créateur sont kidnappés par un gang qui projette d’utiliser cet « enfant de ferraille » pour un futur casse. Innocent et inconscient du monde qui l’entoure, Chappie va devoir apprendre afin d’espérer survivre. Purement SF mais plutôt original dans sa construction, Chappie est un métrage fantastique à l’approche presque inédite. Blomkamp s’affranchit en effet avec bonheur d’inévitables saillies burinées et bardées d’effets spéciaux ébouriffants, mais tout l’intérêt du métrage tient assurément davantage dans son potentiel dramatique que dans ses prouesses visuelles. Le film parvient en effet à imposer des personnages cabossés, imparfaits, parfois détestables mais attachants. Si la galerie de protagoniste reste imparfaite – la figure paternelle, un temps incarnée par un gangster wesh-wesh bourré de clichés, est irritante sur bien des points –, Blomkamp construit l’entourage du fameux Chappie en usant de contrastes vertigineux, sans pour autant abandonner la possibilité d’un « vivre-ensemble » qui prend tout son sens en fin de course. Le fameux robot-pensant est à ce titre brossé comme un humain, avec ses émotions, sa naïveté, sa sensibilité. Blomkamp parvient pour ce faire à créer une véritable empathie pour un tas de ferraille constamment disloqué, mis à mal par la bêtise humaine.




Si les ingénieurs du film nous présentent des machines à l'efficacité redoutable, la société dans laquelle se déroule le film semble aussi avoir mis fin à un débat qui ne fait que débuter dans notre monde. Il s'agit de la décision de tir létal laissée à un programme informatique autonome. Autrement dit : est-ce qu'un robot peut décider seul de tirer sur un être humain au risque de le tuer. La question a donné lieu à une première réunion, dans le cadre de l'ONU, en 2014, à Genève. Le débat est loin d'être clos. Cela concerne à l'évidence les drones volant armés utilisés par l'armé américaine au Moyen Orient. Mieux encore, depuis 2013, la zone démilitarisée entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ressemble à un terrain d'expérimentation avec le robot SGR-A1 de Samsung, une tourelle de surveillance déployée par l'armée sud coréenne. Ce dispositif est armé d'une mitrailleuse de 5,53 mm. et d'un lance roquettes de 40 mm. A ce jour, il est encore semi-autonome...


Robot humanoïde

Mais, Chappie raconte surtout trois étapes majeures de l'évolution du fonctionnement des ordinateurs/robots.

Quand le film débute, les robots font déjà partie du quotidien d'une société hyper urbanisée et extrêmement violente. Ces robots sont des machines rapides, précises dans leurs gestes, parfaitement autonomes et capables d'un travail en totale interaction avec les êtres humains. Ils utilisent les mêmes outils du quotidien des forces de l'ordre, que l'on parle d'armes ou de véhicules...

D'ailleurs, cette collaboration des machines profitables pour les policiers humains, semble apporter une réponse à la question : "pourquoi faire des machines anthropomorphes, à forme humaine ?" Parce qu'il vaut mieux adapter la machine à la société humaine que faire le contraire, semble dire le film de Blomkamp.

Il faut cependant prendre la mesure du chemin qui reste à parcourir avant que notre présent rencontre cet éventuel avenir. La technologie mise en œuvre pour animer les scouts, les robots policiers, vrais héros du films, est le concentré de solutions, réponses à tous les problèmes auxquels se heurtent encore les ingénieurs de notre temps: nos robots restent d'une maladresse confondante en comparaison des prouesses qu'accomplissent les scouts dans le cadre de leurs fonctions auprès des forces de l'ordre.


Conscience artificielle

Après avoir fait connaissance des scouts, vient le moment de l'émergence de la conscience de Chappie. Avant que le jeune ingénieur prodige ne charge le programme qui va permettre à la machine de naître à la conscience d'elle-même, le robot n'était qu'un spécimen mécanique doté, comme ses congénères, d'une intelligence artificielle. Dans l'histoire, ce robot semble même particulièrement maladroit puisqu'il doit être réparé plusieurs fois avant qu'un dernier accident ne le condamne à la mise au rebut. Mais, cette machine va devenir unique en passant de l'intelligence artificielle à la conscience artificielle. C'est ce que les Transhumanistes nomment la Singularité, et qu'ils appellent de tous leurs vœux.

L'intelligence artificielle fait déjà partie de notre quotidien : les systèmes d'exploitation de smartphones ou de nos tablettes embarquent des systèmes experts qui sont intelligents. Ils comprennent nos paroles et les transcrivent en texte, ils apprennent nos gestes quotidiens pour modifier leurs propres comportements et, ainsi, s'adaptent à nos habitudes... Loin des objets de notre quotidien, il existe des programmes dédiés à la conversation qui arrivent à tromper des êtres humains. Mais, à la différence des machines du film, il n'existe pas encore, dans notre monde, un système qui intègre en une seule entité physique une intelligence artificielle autonome. Et encore moins, une conscience artificielle.

Le film semble tenir cette conscience en un programme. Une fois le programme compilé et stable, Deon, le jeune ingénieur, papa des scouts, télécharge le programme dans la carcasse inanimée qui va devenir Chappie. A la différence du système d'exploitation des scouts qui les rend automatiquement opérationnels, le nouveau programme active la machine, mais elle semble vide de tout élément de compréhension du monde qui l'entoure. En quelques heures, en quelques jours, il va lui falloir faire ses propres expériences pour se construire. Le nouveau programme semble proposer une nouvelle manière de trier, de comprendre, d'interpréter les stimuli extérieurs.

Si l'intelligence artificielle est une compilation de comportements appropriés à diverses situations, le nouveau programme duquel va émerger la conscience de Chappie semble être une manière unique de faire jaillir l'information de la donnée, la connaissance de l'information et la compréhension de la connaissance. Et ce cheminement est unique car il ne peut pas être reproduit : chaque machine dotée de ce programme vivra ses propres expériences, en fonction de son environnement et développera sa propre personnalité.




Mais cette personnalité reste numérique. Ce serait un algorithme unique, une singularité qui saurait dire "je", qui saurait créer, qui aurait des sentiments, qui aurait peur... de la mort. Comme tout fichier numérique, il serait duplicable. Si cet algorithme est conscient de lui-même, cette conscience survira-t-elle à la duplication? Cette duplication ne fera-t-elle pas apparaître deux personnalités nouvelles et indépendantes à l'instant même de la duplication? La conscience pourrait-elle se passer de véhicule ?


Frontière poreuse

Toutes ces questions amènent le troisième moment du film qui nous interroge dans notre propre humanité : le moment où la personnalité de Deon est téléchargée dans un scout. Deon et Chappie sont attaqués de toutes parts. L'humain est mortellement blessé. Il ne lui reste plus que quelques minutes à vivre. Le robot prend l'initiative de sauver ce qu'il peut de la conscience organique qui lui est venue en aide. A l'image, il ne suffit que de quelques secondes pour que l'opération soit réalisée. Et Deon se réveille dans son nouveau corps.

Un téléchargement est un échange mesuré de données. Il y a un début et une fin au téléchargement. C'est la copie d'un fichier fini. Alors, ce qui maintenant met en mouvement le robot, est-ce bien Deon? L'humanité de l'ingénieur est-elle mesurable en octets, méga, giga, tera ou peta octets? Ou bien, l'humain est effectivement bien mort et ce qui désormais anime la machine n'est qu'un ersatz de ce que fut l'homme, ersatz convaincu de sa conscience propre. Cette nouvelle conscience va construire sa propre personnalité au travers de ses propres expériences dans le véhicule mécanique bariolé qui est son nouveau corps.

La sauvegarde numérique d'une personnalité humaine est un fantasme contemporain. Et, peut-être, est-ce le moteur, plus ou moins conscient mais bien réel, de la recherche sur l'intelligence artificielle de laquelle pourrait émerger la conscience artificielle. Si ce but est atteint, signera-t-il la fin de la mort? Encore une fois, les Transhumanistes ne renieraient pas cette dernière assertion! A chacun d'interroger sa propre humanité.


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