jeudi 9 novembre 2017

Animé : Magi - The Labyrinth of Magic

Une série animée que l'on s'était vu il y a quelques années et qu'on vient de revoir avec plaisir : Magi - The Labyrinth of Magic. C'est un manga fantastique créé en 2009-2016 par l'autrice japonaise Shinobu Ohtaka (Ōtaka Shinobu, née en 1983). Il s'agit simplement à première vue de créer une histoire qui réunirait les personnages les plus célèbres des Mille et Une Nuits, même si l'univers qui est créé par cette réunion est en réalité très différent non seulement du nôtre mais même des récits originaires des contes. Le mélange d'érudition sur le Moyen Orient est parfois très créatif.

Superficiellement, il s'agit de l'amitié entre Sinbad le Marin, Aladin, Ali Baba et Morgiane (un personnage secondaire d'esclave rusée dans le conte d'Ali Baba). Mais on découvre en même temps le contexte et des versions assez différentes qui jouent sur les clins d'oeil et les références.


Djinns & Donjons

Dans cet univers d'allure médiéval, des douzaines de grandes tours effilées et portails sont apparues à travers le monde en sortant en apparence des profondeurs du sol, les "Donjons" ou "Labyrinthes". Chacun de ces Donjons est la prison ou le sanctuaire non seulement de trésors mais surtout d'un Djinn.

Toutes les factions du monde se disputent pour conquérir les Donjons pour pouvoir prendre le contrôle d'un des Djinns, qui fournissent une Arme de Destruction Massive, et des armées entières échouent parfois à sortir du Donjon, là où des héros isolés semblent plus chanceux. L'équivalent de l'Empire byzantin et de l'Empire perse par exemple sont en guerre depuis des années autour d'un de ces Donjons (qui sera finalement pillé par Sinbad).




Le secret théologique est plus "gnostique" que musulman ou zoroastrien, voire plus "lovecraftien".

L'univers archétypal antérieur (3ālam Ṭurran) avait un sage et archimage nommé Salomon qui se révolta contre l'ordre théocratique de son père le Roi-Patriarche David-Abraham car la Divinité "monothéiste" (et source de magie) Ill ʾIlāh avait été corrompu, était "déchu" et transformé en une sorte de Grand Ancien oppressant et azathothoïde (Shinobu Ohtaka a apparemment absorbé beaucoup de clichés de jeux de rôle).

La morale est donc l'inverse des Mille et Une Nuits: le sage Salomon lutte ici contre le créateur de l'univers devenu tyrannique et ses Djinns sont donc bien des rebelles contre la Divinité devenue monstrueuse. [Je simplifie la mythologie qui comprend aussi des Dragons Cosmogoniques et l'Oeuf qui a donné naissance au "rocs", l'essence magique.]

Or tout Roi légitime doit être choisi par un Mage, c'est une sorte de Loi de distribution des fonctions (peut-être plus à cause des clichés sur les Vizirs que pour reprendre la relation Arthur-Merlin).

L'univers de 3ālam Ṭurran fut remplacé et le nouvel univers recréé abrite maintenant les 72 anciens serviteurs de Salomon, les "Djinns" (chaque Djinn a le nom d'un des Démons dans le "Sceau de Salomon"). Un peu comme dans le jeu Nephilim, les Djinns sont en réalité des esprits d'êtres inhumains de cet autre univers.

Les "Magi" ne sont pas n'importe quels magiciens. Ce sont ceux qui peuvent faire "pousser" les Donjons qui sont en fait des structures multidimensionnelles traversant ce nouveau monde depuis l'univers originel. Ce sont ces quelques Mages qui créent les portes des Donjons mais ce ne sont pas eux qui les conquièrent. Les Labyrinthe doivent servir à sélectionner de nouveaux Rois dignes de régner, comme Sinbad le Marin et Alibaba le Chercheur de Trésors.


Les Héros et les factions

Sinbad au début de la série est déjà un héros légendaire et presque retraité (il a d'ailleurs eu droit à sa propre série dérivée racontant ses aventures avant ce début, sympathique mais moins captivante). Même sans être un Mage, il possède certains pouvoirs étranges en tant que "Le Navigateur sur la Mer du Destin". Il a été le premier mortel à conquérir des Donjons et donc à ouvrir la voie vers leur exploration. Il a donc le nombre impressionnant de Sept Djinns (Baal, Crocell, Focalor, Furfur, Valefor, Vepar, Zepar) qui le servent (ce qui semble être un record en dehors de la Dynastie impériale chinoise qui doit en avoir plus au total). Il a fondé son propre Royaume, le Sindoria (même s'il a trop la bougeotte pour régner régulièrement dans sa capitale) et une confédération nommée l'Alliance des Sept Mers. Il a aussi avec lui plusieurs assistants comme Masrur l'Assassin.

Aladin n'est pas ici un enfant trouvant par hasard une lampe mais (à son insu) un de ces Mages qui a été élevé dans un Donjon par un Djinn nommé Ugo (oui, à cause du poème de Hugo Les Djinns dans la Légende des Siècles... Mme Ohtaka impressionne souvent par l'exotisme de ses références). Il a mis Ugo dans sa flute et possède en plus un Turban-Tapis volant. Sa vraie identité et ses origines sont un mystère mais il semble avoir grandi dans un Donjon, élevé par Ugo.

Ali Baba est en fait l'héritier de Bagdad (fils reconnu tardivement de l'ancien Calife défunt Rachid) mais abandonné à lui-même, il survit comme chasseur de trésors avant de se trouver aussi un Djinn nommé Ammon, avec l'aide du jeune Aladin. Son ancien ami des taudis Qassim est un brigand chef du Gang magique des Brumes qui incite à la révolution contre les dirigeants de Bagdad.

Morgiane est une ancienne esclave (libérée par Aladin) qui vient d'un peuple de Mages-Assassins de l'antique Carthage (comme Masrur, l'Assassin de Sinbad, plus haut). Elle a des superpouvoirs physiques mais reste traumatisée par son enfance de servitude.

Sheherazade est peut-être la plus changée par rapport à la Conteuse persane. Elle est ici la Grande Prêtresse immortelle de l'Empire romain et c'est elle qui choisit les Césars. Elle est en lutte non seulement contre l'Empire perse mais surtout contre la Cité des Mages.

La Cité des Mages (Magnostadt / Mustasim) est un despotisme de Mages autour de l'ancien chef de leur école, Mogamet. La Cité persécutait les Mages avant un coup d'Etat et à présent ils se sont vengés en fondant une magiocratie qui oppresse les non-Mages et ne veulent pas passer par un intermédiaire de la Fonction Royale. Le fait que la Cité ait un nom germanique et qu'ils appellent les non-Mages "goys" rappelle qu'Ohtaka a tendance à déplacer beaucoup d'éléments sur l'Islam vers le judaïsme et on peut se demander si ce n'est pas une forme d'allégorie bizarre sur le Proche-Orient (et non pas seulement une réminiscence du conte anti-zoroastrien*).

L'équivalent de la Chine joue un rôle central en dehors de Rome, la Perse et l'Alliance des Sept Mers (Ohtaka semble avoir ignoré qu'Aladin était censé être chinois dans certaines versions). L'Empire de Kou a déjà conquis plusieurs Djinns (chaque Prince et Princesse de la Dynastie a le sien) mais l'Impératrice dirige une société secrète de Mages qui suivent le Grand Ancien Ill ʾIlāh de l'Univers originel du Mage Salomon (même si les choses sont loin d'être aussi manichéennes que cela).

*1001 Nuits : La Cité des Mages


Le Prince de la Lune solitaire

A 20 jours de la Perse se trouve l'Île des Enfants de Khaledan (Khálidán ou "Îles Bienheureuses" ?). Le roi en était Shahzaman ("Roi du temps") et il avait fait emprisonner Camaralzaman (Kamar al-Zaman, "Lune du siècle") son fils unique dans une tour car celui-ci refusait obstinément de se marier tant qu'il ne trouverait pas femme parfaite.

Une Djinn invisible (mais fidèle à Allah), Maïmoune, fille de Damriat [Maymunah, une "ifritah", fille d'Al-Dimiryat, un roi de Janns], le vit dans sa tour et fut surprise de sa beauté. Quand elle s'envola, elle rencontra dans les airs un autre génie ailé, des Efrits qui étaient rebelles à Dieu, Danhash, fils de Shamhúrish (quand elle l'insulte, Maïmoune dit aussi qu'il est un Marid). Elle força alors Danhash à lui dire d'où il venait et il dit qu'il venait de voir le Roi de Chine Gaïour [Ghayur, Roi de l'Île des Sept Palais] avait fait emprisonner sa fille, la princesse Badoure, [selon Burton : Budur, "Pleine Lune"] car celle-ci refusait de se marier. Maïmoune et Danhash firent venir de nuit le prince Camaralzaman et la princesse Badoure dans la même couche et les réveillèrent successivement. Chacun eut le temps de tomber amoureux de l'autre avant de se rendormir : Badoure osa toucher le corps de Camaralzaman mais Camaralzaman prit la bague de Badoure pour s'assurer que ce n'était pas un songe, sans oser l'embrasser. Mais le lendemain, il fut affligé de ne pas savoir où était cette belle endormie vue pendant la nuit. Le roi Shahzaman dut s'occuper de son fils qui était si malade d'amour.




De son côté, la princesse Badoure de Chine était furieuse de ne pas trouver celui qu'elle avait vu. Elle fit venir les plus grands mages pour l'aider et les fit exécuter les uns après les autres pour leur échec. Alors Marzavan, son frère de lait, s'introduisit chez elle déguisé en femme et lui demanda la source de son tourment. Il crut son histoire et partit chercher Camaralzaman, qu'il fit revenir jusqu'en Chine. Quand le Prince Camaralzaman et la Princesse Badoure se retrouvèrent, ils furent aussitôt fiancés.


Les Deux Reines et les Deux Demi-Frères

Cependant, ce soir-là, quand le Prince Camaralzaman vit un étrange talisman sur Badoure, il voulut le contempler et un oiseau le lui ravit. Il partit à la recherche de l'oiseau et disparut.

Badoure, ne voyant pas revenir le Prince et son talisman, décida se de faire passer pour lui pour aller jusqu'à l'île des Enfants de Khaledan. Déguisée en Prince, elle arriva sur l'île d'Ebène dans son voyage et le Roi Armanos lui demanda d'épouser sa fille, la Princesse Haïatalnefous [Hayát al-Nufús, l'Âme des Gens] pour faire s'allier Ebène et Khaledan. Badoure n'osa refuser car elle se dit que c'était là un grand présent pour Khaledan. Quand le Prince Camaralzaman finit par être retrouvé, il devint donc roi d'Ebène et eut deux épouses, la Princesse Badoure, qui avait régné à sa place, et la Princesse Haïatalnefous, qui avait accepté de partager son lit avec elle et les deux Reines s'entendaient fort bien. Le nouveau Roi eut avec la Reine Badoure un fils nommé Amgiad [Amjad], et avec la Reine Haïatalnefous un fils nommé Assad [As'ad].

Mais le malheur voulut que la Reine Badoure tombe amoureuse du Prince As'ad et que la Reine Haïtalnefous tombe amoureuse du Prince Amgiad. Chacune écrivit une lettre à son beau-fils et celui-ci tua le messager et dénonça l'action de sa belle mère. Camaralzaman refusa de croire ses deux fils et décida de les faire exécuter. Mais l'émir chargé de les tuer fut sauvé d'un lion par ses deux prisonniers et leur laissa la vie sauve. Ils purent s'enfuir et Camaralzaman découvrit, mais trop tard, leur innocence.


Les Deux Demi-Frères dans la Cité des Mages

Amgiad et Assad passèrent une montagne et se trouvèrent séparés à des distances très considérables de l'île d'Ebène (au point qu'ils envisagent même que le passage dans les montagne ait été magique).

Assad fut capturé par de cruels Zoroastriens qui le maltraitaient chaque jour et voulaient le sacrifier à leur Feu. Quand il fut emmené sur un navire pour être conduit au sacrifice (car les Zoroastriens, dans les contes musulmans, feraient des sacrifices humains), une tempête envoya le navire vers le pays de la Reine Margiane [Marjanah], qui, elle, était musulmane et dont on disait qu'elle persécutait les Zoroastriens dans son Royaume (ce qui est dit plutôt comme un signe de sa vertu). Les Zoroastriens affirmèrent qu'Assad était leur esclave mais Margiane finit par le libérer. Bostane, la Zoroastrienne qui torturait Assad fut si émue par son prisonnier qu'elle se convertit sincèrement à l'Islam.

Pendant ce temps, Amgiad entra dans la Cité des Mages et tomba amoureux d'une courtisane qui tenta de le pousser à tuer un homme de l'administration royale. Mais Amgiad tua la courtisane et son acte impressionna tant le Roi qu'il le conduisit à devenir le Vizir du Roi des Mages (Zoroastrien qui semble décrit de manière nettement moins négative que dans l'histoire d'Assad).

C'est alors que le prince Amgiad retrouva enfin l'infortuné Assad. Assad fut fiancé à la Reine Margiane et Amgiad à Bostane, la convertie. Le Roi de Chine Gaïour vint pour retrouver sa fille Badoure et il fit la connaissance de son petit-fils Amgiad. Le Roi d'Ebène Camaralzaman retrouva aussi son père Shahzaman, roi de Khalidan, et la fin est donc une scène de reconnaissance mutuelle par tous les personnages. Camaralzaman reprit le trône de Khalidan, Amgiad hérita de la Chine (et sa mère Badoure repartit avec lui) et Assad, qui avait épousé la Reine Margiane, hérita aussi du trône d'Ebène.

Sources : Anniceris

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