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jeudi 13 décembre 2018

Inspiration : Bande dessinée - Rolf de Richard Corben

En ce moment, je me lis ou relis plein de vieilles BD des Humanoïdes Associés que je chine à droite, à gauche. Là je viens de lire Rolf de Richard Corben, l'un de mes dessinateur et scénariste préféré. J'adore ce mélange très typique dans ses œuvres et d'autres BD d'ailleurs parues chez les Humanos ou dans Metal Hurlant à l'époque, mélange de SF, d'Heroic Fantasy, d'Horreur... D'ailleurs ce scénario m'a complètement fait revoir la prochaine partie qu'on prévoyait, exit la pure escarmouche médiévale fantastique, mais je vais partir sur une un truc genre les peuples unis d'un monde medfan qui luttent contre un envahisseur technologique, rejoignant ainsi le background dont je parlais dans la toute première partie de notre campagne (les guerres coloniales de 1000 ans, non non je ne suis pas inspiré par Narnia, le Prince Caspian ou Avatar pour ce choc de civilisations). Il se peut que la planète soit d'ailleurs celle de notre première aventure mais dans le passé ?? A voir... Au départ j'avais envie de revoir complètement la table de jeu qui est toujours en cour de réalisation mais j'ai trop avancé dessus pour la recommencer (flemme).




Synopsis :

Sur la paisible terre de Canis, d’étranges envahisseurs arrivent un jour, équipés d’armes comme personne n’en a jamais vues dans ce pays. Ils détruisent le château du roi et enlèvent sa fille pour la ramener à leur chef. Mais à leurs trousses, il y a Rolf, le chien fidèle de la princesse, qui aime autant sa maîtresse qu’elle l’aime en retour. Suite aux maléfices d’un sorcier, Rolf n’est plus un chien, sans être vraiment un homme non plus. Juste un monstre à mi-chemin entre les deux. Mais un monstre fou d’amour…

À ma connaissance la plus ancienne production de Richard Corben disponible en français, Rolf se caractérise par une démarcation aussi inattendue qu’originale sur le thème classique de La Belle et la Bête ; sauf qu’ici la Bête n’a pas perdu son humanité suite à une malédiction puisqu’elle n’en a jamais eu pour commencer. Le schéma bien connu se trouve simplement inversé en fait, ce qui reste une méthode de création d’autant plus efficace qu’elle est pratiquée depuis longtemps – et pour autant que l’auteur ait eu conscience d’adopter un tel procédé : ce récit, après tout, débute comme un conte de fée tout ce qu’il y a de plus traditionnel, jusqu’à ce que…




On y trouve déjà tout ce qui fait la spécificité de Corben : l’exaltation de la force brute ; le mélange des thèmes et des époques à travers une sorte de postmodernisme bien avant l’heure ; la belle aux seins lourds ; l’ultra-violence vide de sens et encore plus de morale ; l’iconographie démonologique, ou assimilée ; un style graphique au dynamisme d’autant plus rare que peu d’auteurs ont su l’égaler depuis ; et plus que tout, ce concept si typiquement américain de la liberté de se donner les moyens de prendre tout ce qu’on veut sans donner de prétexte et encore moins d’excuse – ce qui suffirait à taxer Corben de réactionnaire, voire de fasciste, mais je préfère le voir comme un libertaire : les artistes, en effet, ont cette boulimie de liberté qui les empêche le plus souvent d’imposer quoi que ce soit aux autres.

Bref, Rolf a beau être une œuvre de jeunesse, elle n’en demeure pas moins emblématique, ou en tous cas révélatrice : à travers elle, le lecteur aura l’opportunité de découvrir les caractéristiques principales d’un auteur alors en devenir mais appelé néanmoins à signer des œuvres qui comptent encore parmi les plus importantes de la culture comics des années 70 et 80. Mais c’est aussi un récit émouvant par le portrait qu’il dresse d’un animal élevé au rang de presque homme, et qui n’oublie pas pour autant quels sentiments le lient à sa maîtresse : s’il va jusqu’à tuer pour elle, il saura néanmoins quand se rebeller contre l’ordre établi qui voudrait le garder au bout de cette laisse qu’un homme libre ne peut supporter…

Un album pour une histoire à double lecture, à double sens. D'un côté, une aventure -classique- de science-fiction mêlée de fantastique. De l'autre, une histoire qui met en scène l'invasion de l'Ukraine par les troupes allemandes (les uniformes et véhicules des envahisseurs ressemblent à ceux de la Werhrmacht).






À noter que cette réédition se double du récit court La Bête de Wolverton (1972-1979) qui, à partir du thème voisin de l’homme-loup, nous montre un Corben assez sensible aux racines saxonnes et celtiques du peuple américain. Ici, le monstre est un homme simple qui a dû accepter la possession par une entité divine afin d’obtenir le pouvoir de vaincre les oppresseurs de son peuple ; mais cette possession devient vite une malédiction dont ne pourra le libérer qu’un exorcisme pour le moins… particulier.




Avec ces deux récits indépendants qui sont autant de facettes distinctes – bien qu’axées autour de thèmes similaires – d’un auteur majeur du comics underground, Rolf demeure une excellente introduction à l’œuvre pour le moins atypique d’un Richard Corben alors en plein ascension vers une gloire bien méritée. Corben nous conte deux histoires de loup-garous bien différentes avec un ton savoureux et salutaire, vigoureux et surprenant. Histoires réalisées au tout début des années 70, avec un choix de couleurs très personnelles, soit, mais avant tout la présence primordiale d'un encrage puissant. Un des classiques de Corben sur son très long parcours d'auteur.


Notes :

Si au départ Rolf est un comics entièrement en noir et blanc, la version proposée dans cette édition est colorisée, au contraire de sa première édition française de 1975. A savoir que l'histoire avait déjà été publiée dans "Actuel" n° 15, en 1971 avant sa réédition chez les Humanos.


La première édition en noir et blanc

Version américaine, au début le titre était Rowlf avant d'être changé en Rolf chez les Humanoïdes Associés


Guillermo Del Toro au sujet de Richard Corben : "L'artiste qui m'inspire le plus est Richard Corben. Son style est visuel et raconte l'histoire juste comme vous la voyez... Oui, mon favori est Corben. J'aime tout ce qu'il fait, j'aime son travail... C'est un artiste merveilleux."

Rolf a été l'une des inspirations principales du Japonais Hayao Miyazaki pour sa bande dessinée Nausicaä de la vallée du vent (1982-1994) :

Pour Hayao Miyazaki, les courants s’étaient, à l’aube des années 80, montrés bien malicieux en ce qui concerne la carrière cinématographique du génie de l’animation. Il aura fallu l’intérêt du magazine spécialisé Animage pour que quelques projets de Miyasaki soient placés sur les rails. Parmi ceux-ci se trouve l’adaptation d’une bande dessinée de Richard Corben, Rolf qui se voit librement modifiée, intégrant notamment des éléments fondateurs de l’œuvre future de Myiasaki comme la Vallée du Vent ou la fukai, cette "mer de la décomposition" qui gangrène la Terre. Le projet capote justement en raison du manque de fidélité. Un nouveau vent favorable souffle alors pour le dessinateur qui se voit suggéré de faire siennes ces créations en les développant dans sa propre série de mangas. Le premier épisode en crayonné des aventures de Nausicaä paraît en 1982, ce qui provoque l’engouement de la presse, même internationale. Les premiers pas de la princesse peuvent donc avoir lieu à l’écran pour un pilote de cinq puis dix minutes...

Mais la Vallée du Vent est plongée dans la tourmente et menace de s’effondrer face aux coûts que sa production engendre. Celle-ci s’avère trop onéreuse pour son format, la vidéo ne se montrant pas suffisamment rentable. Tokuma Shoten met le pied à l’étrier, en compagnie de la société Topcraft (première ébauche des futurs studios Ghibli qui permettront au maître de produire ses futurs longs-métrages) de Toru Hara, ancien de la Tôei Animation, et ouvre la voie à Miyasaki pour un long-métrage destiné aux salles obscures. Il y parvient dans le début de l’année 1984 et bénéficie d’une belle réception critique et publique. Et pour cause...

En effet, si les animations de Nausicaä paraissent aujourd’hui quelque peu surannées face aux machines modernes, le charme de ces décors majestueux aux formes pures et aux couleurs éclatantes agit d’emblée sur le spectateur plongé au cœur de ce monde dévasté, purgatoire pour une poignée d’hommes qui ont eu le mauvais goût de survivre à l’invasion de la fukai et aux assauts des redoutables omus. Ces insectes grouillants, armés de mandibules, représentent le principal fléau duquel il faut se prémunir d’autant qu’ils envahissent par milliers, aveuglés par leur colère, les derniers bastions restés aux mains des humains. Ces bipèdes, créateurs de leur propre misère, qui s’organisent en cités et luttent les uns contre les autres plutôt que de s’unir contre un "ennemi" commun...

Parmi ces créatures au final plus aveugles que leurs congénères arthropodes trône l’impétueuse mais très sage Nausicaä qui fait fi des prophéties, méprise les préjugés et guide son peuple vers la lumière en sacrifiant sa frêle personne. "Celle qui murmurait à l’oreille des omus" et cultive en cachette des plantes de la fukai prétendument contaminées en remontre aux naïfs et aux va-t’en-guerre, elle donne à chacun une leçon de courage et répand une parole écologique très en phase avec un Japon meurtri par l’arme atomique.

En se gardant de sombrer dans le manichéisme (les cafards qui grouillent ne peuvent que se montrer repoussants quand ils ne sont en définitive que des êtres essentiels à la survie de la terre) et d’emprunter les chemins ultra-balisés d’une narration naïve (le récit compte une garnie très fournie de personnages secondaires qui parviennent tous à co-exister dans cet univers des plus riche), Miyasaki conçoit un chef-d’œuvre aux courbes parfaites s’intégrant à merveille dans un univers rétro-futuriste (des engins volants ultra-perfectionnés sillonnent les cieux en passant à travers les ailes de châteaux ornés de pales d’éolienne), à l’animation vertigineuse (voir les séquences de combats aériens), au traitement prodigieux. Un prodige qu’il comptera quelques années après réitérer avec un presque-remake en la personne de Princesse Mononoké...

dimanche 14 octobre 2018

Inspiration - Film : Le voyage de Chihiro

On s'est regardé "Le Voyage de Chihiro" avec mon Fils, je connaissait l'œuvre de nom mais ne l'avait jamais vu, que dire un pur moment de bonheur. On est vraiment de plus en plus fan de Hayao Miyazaki et on se rend compte au fur et à mesure qu'on découvre ses œuvres comme son univers est foisonnant d'idées pour des aventures de jeux originales, là on imagine tout à fait ce monde magique comme une dimension parallèle dans notre univers de jeu, accessible depuis le Japon, cela va de soi. Bref je sais pas si on appliquera cela un jour mais c'est une idée à suivre ou à adapter différemment. Après sans y voir forcément une adaptation en jeu, le Film est superbe, poétique, onirique et on aimerait être transporter dans ce monde et habiter le palais de Yubâba.




La fiche du film présentée ci-dessous vient en partie de l'excellent site Buta Connection qui est consacré au Studio Ghibli, studio d'Hayao Mizayaki.
« Pour ceux qui ont eu 10 ans, et pour ceux qui auront 10 ans. » (Hayao Miyazaki)
Sen to Chihiro no Kamikakushi (Le voyage de Chihiro) nous conte l'histoire de Chihiro, une petite fille japonaise de 10 ans dont les parents sont transformés en cochon. Elle se retrouve livrée à elle-même dans un monde de dieux, d'esprits et de monstres, une ville de bains régie par une sorcière. Dans ce lieu étrange et fantastique, les humains inutiles sont changés en animaux ou disparaissent. Pour survivre, Chihiro doit abandonner son nom et commencer à travailler. Pourra-t-elle sauver ses parents et un jour revenir dans son propre monde ?

Déjà annoncé en fin 1999 et objet de toutes les attentes, Le voyage de Chihiro est sorti dans les salles japonaises en juillet 2001. Il remporte un triomphe sans précédent, battant tous les records d'entrées (plus de 23 millions) et de recettes (250 millions de $) au Box-office nippon. Le voyage de Chihiro connaît également hors du Japon un succès sans précédent pour une production animée nipponne, réunissant près de 1,5 millions de spectateurs en France, et remportant l'Ours d'or au Festival international du film de Berlin et l'Oscar du Meilleur film d'animation en 2003.


Le voyage de Chihiro : Résumé détaillé


Chihiro Ogino est une fillette de 10 ans ordinaire. Assise sur la banquette de la voiture de ses parents, elle cache difficilement sa mauvaise humeur. Serrant contre elle le bouquet de fleurs et la carte où ses amies lui ont écrit « Chihiro, porte toi bien. A bientôt. », elle accepte mal le déménagement que lui imposent ses parents vers une nouvelle demeure et ne manque pas de le faire savoir à son père et sa mère.

Sur la route, le père aperçoit au loin leur nouvelle maison et prend un sentier qu'il pense être un raccourci. Le chemin est très accidenté et Chihiro est secouée sur le siège arrière de la voiture. Elle remarque en bordure du sentier d'étranges statues qui semblent les guider. Mais le chemin est en fait une impasse et le père doit arrêter la voiture devant un mur de ciment rouge percé d'un long et sombre tunnel. Une nouvelle statue semble en garder l'entrée. Le père de Chihiro est curieux de découvrir ce qui se cache au bout de ce mystérieux tunnel. Il rassure sa femme, lui expliquant qu'il a laissé les clefs de la maison ainsi que des instructions aux déménageurs.

Le couple décide donc d'emprunter à pied le couloir sombre. Mais Chihiro a un mauvais pressentiment et ne veut pas les suivre. Elle essaie de les convaincre de repartir mais, apeurée à l'idée de se retrouver seule en lisière de forêt, elle finit par les accompagner. Le tunnel débouche sur une grande salle ressemblant à une chapelle abandonnée. La lumière extérieure est filtrée par des vitraux multicolores. En sortant, les parents de Chihiro pensent qu'il s'agit de l'entrée d'un parc d'attraction des années 90 qui a dû fermer ses portes pendant la crise économique. De l'autre coté de la prairie qui leur fait face, on peut apercevoir les premières maisons d'un village. Le père perçoit une alléchante odeur de cuisine et décide de continuer son excursion. Mais le village semble lui aussi désert, ce qui inquiète davantage la fillette.

Se laissant guider par sa faim, le père découvre enfin le restaurant qui dégage cette si bonne odeur. Des mets appétissants sont posés sur le comptoir et les parents de Chihiro, après avoir appelé en vain un serveur, commencent à se délecter des plats encore fumants, bien décidés à régler la note lorsqu'un employé du restaurant se présentera.

La mère propose à Chihiro de s'attabler mais la fillette, contrariée par le sans-gêne de ses parents, refuse. Intriguée, elle préfère visiter le village apparemment inhabité. Bientôt Chihiro se retrouve face à un pont conduisant à un immense bâtiment. Distraite par un bruit, elle se penche pour voir en contrebas et voit passer un train. Le soleil se couche déjà. En relevant la tête, elle aperçoit un jeune homme qui la somme de repartir là d'où elle vient. Apeurée la fillette s'enfuit pour rejoindre ses parents, mais elle croise dans sa course des silhouettes fantomatiques qui errent dans les rues de la ville. Quand elle retrouve ses parents, elle découvre épouvantée qu'ils se sont transformés en cochons ! Chihiro pense être victime d'un cauchemar et tente de revenir par où elle est arrivée. Mais la prairie qu'elle a traversée il y a quelques heures est maintenant inondée et l'on peut voir au loin le clocher de la chapelle illuminer l'étendue d'eau.

Impuissante, Chihiro s'accroupit et se recroqueville sur elle-même. Elle se rend compte alors avec effroi que ses mains commencent à disparaître. Au même moment, sur le lac, s'approche une barge flottante de laquelle elle voit bientôt débarquer d'étranges créatures. La fillette s'enfuit et décide de se cacher derrière une maison. Mais elle est retrouvée par le jeune garçon qui l'avait priée de partir. Il lui demande d'avaler une baie en lui expliquant que si elle ne mange pas de nourriture locale, elle finira par disparaître. Chihiro essaie de le repousser mais ses mains passent à travers lui à la manière d'un fantôme traversant un mur. Elle comprend alors qu'elle n'a plus rien à perdre et décide de manger le fruit.

Le jeune garçon emmène ensuite Chihiro jusqu'au pont de leur première rencontre. Une multitude de divinités l'empruntent pour se rendre dans le grand bâtiment. Avant de traverser, le garçon demande à la fillette de retenir sa respiration sans quoi elle serait repérée. Mais sur le pont une grenouille qui connaît apparemment le jeune homme, l'interpelle ; Chihiro, surprise, ne peut s'empêcher de respirer. Le garçon jette alors un sort qui paralyse le batracien pendant quelque instants et court en entraînant Chihiro avec lui pour la cacher.

A l'intérieur du bâtiment, le personnel s'agite et certains s'exclament : « Ca pue l'humain ! » Le jeune garçon explique à la fillette qu'elle a été repérée. Pour ne pas être transformée en animal comme ses parents, elle doit maintenant travailler pour le compte de Yubâba, la sorcière qui régente les lieux. Pour cela, elle doit d'abord rencontrer Kamajî, l'homme qui s'occupe de la chaufferie. Elle doit lui demander du travail et insister même s'il refuse. « Je suis avec toi Chihiro », la rassure le jeune homme. La fillette s'étonne que son sauveur connaisse son prénom. Le garçon se présente alors, et lui révèle le sien : Haku. Il avoue la connaître depuis qu'elle est toute petite. Mais il doit partir et même s'il lui a indiqué le chemin, Chihiro devra se rendre seule jusqu'à la chaufferie. Chihiro est terrifiée : le vent souffle très fort et le chemin qui mène à la chaufferie est escarpé et accidenté. De plus, il n'y a pas de rampe pour s'agripper et le sol en contrebas est à plusieurs dizaines de mètres. Malgré quelques hésitations, elle trouve le courage d'affronter cette épreuve.

Après une belle frayeur, la fillette entre dans la chaufferie et observe Kamajî, vieillard à six bras, travailler pendant quelques minutes avant de s'avancer pour se présenter. Elle lui explique qu'elle est envoyée par Haku et qu'elle désire travailler. Le vieil homme l'écoute avec peu d'attention car il semble particulièrement occupé.

Sur le sol Chihiro remarque des noiraudes sur pattes amener continuellement le charbon jusqu'au foyer afin d'alimenter le feu. Kamajî refuse de faire travailler Chihiro, prétextant qu'il a bien assez de main-d'œuvre. La fillette regarde les noiraudes travailler, trimballant sur leur dos de lourds morceaux de charbon. Quand elle aperçoit une petite créature s'écrouler sous son fardeau elle décide de la libérer de sa charge. Chihiro demande si elle peut déposer le morceau de charbon à terre mais Kamajî lui répond qu'elle n'a qu'à continuer ce qu'elle a commencé. Chihiro s'exécute alors avec peine car le morceau de charbon semble peser très lourd.

Les noiraudes voyant la fillette accomplir la tache de leur collègue, s'écroulent une à une à la grande surprise du vieil homme qui les sermonne. Soudain une porte dérobée s'ouvre et une employée rentre dans la salle pour apporter le repas de Kamajî. Discutant avec le vieil homme, elle ne remarque pas tout de suite Chihiro.

Lorsqu'elle l'aperçoit enfin, elle prend peur. Kamajî la rassure en lui disant qu'il s'agit de sa petite-fille et qu'elle désire travailler mais qu'il a assez de main-d'œuvre dans la chaufferie. Quand il demande à Lin, la jeune employée, de présenter Chihiro à Yubâba, elle refuse. Kamajî lui propose alors un triton grillé. Devant le succulent met, Lin change très vite d'avis. Au moment de partir avec Chihiro, Lin fait remarquer à cette dernière son impolitesse : elle n'a pas remercié Kamajî pour son aide. La fillette salue alors maladroitement le vieil homme.

Yubâba habite au dernier étage du palais. Les deux filles empruntent donc un premier ascenseur qui s'arrête à un niveau intermédiaire. Lin, flanquée de Chihiro, se dirige vers un deuxième ascenseur qui leur permettra d'atteindre les niveaux supérieurs.

Pendant ce temps la fillette observe les lieux : il semblerait qu'elle se trouve dans un établissement de bains publics où les divinités viennent se reposer. Un employé des lieux interpelle alors Lin, qui pousse Chihiro dans l'ascenseur afin qu'elle ne soit pas découverte. Quelques instants plus tard Chihiro arrive seule au dernier étage.

Une immense porte se dresse devant elle. La fillette essaie de la pousser pour entrer, mais en vain. La porte s'ouvrira finalement d'elle-même quelques secondes plus tard. Chihiro est conviée à entrer mais, hésitante, elle est soudainement happée par une force surnaturelle qui la tire à travers les différentes salles pour arriver enfin face au bureau de la maîtresse des lieux : Yubâba. Chihiro, après un instant d'hésitation, demande à travailler. Mais la sorcière lui rétorque qu'elle n'a pas besoin d'une fille aussi menue et pleurnicharde.

Soudain un grand fracas suivi des pleurs d'un bébé interrompt la conversation. Yubâba accourt pour le calmer. Têtue, Chihiro réitère sa demande en hurlant. Yubâba finit par accepter pour la faire taire car le bambin, de plus en plus contrarié, semble mettre la pièce d'à coté sans dessus dessous.

La sorcière envoie alors un contrat à signer à la fillette tandis qu'elle essaie d'apaiser le bébé. En voyant le nom sur le papier, la vieille femme le trouve bien trop long et décide que Chihiro s'appellerait désormais Sen. Haku fait alors son entrée dans la pièce. Yubâba lui explique que Sen est une nouvelle employée et qu'elle doit commencer dès aujourd'hui. Dans l'ascenseur qui les conduit aux étages inférieurs, la fillette est surprise par le comportement très froid de Haku. Le garçon présente la nouvelle recrue aux employés qui ne veulent pas la prendre sous leur aile car « elle pue l'humain ». Haku charge alors Lin, qui voulait une assistante, de s'en occuper.

Le lendemain matin, de très bon heure, Sen est réveillée par Haku qui l'invite à le rejoindre au pont pour qu'il puisse l'accompagner voir ses parents transformés en cochons. Sen les découvre endormis pour avoir trop mangés, ne répondant pas aux appels de Chihiro. La petite fille est bouleversée et Haku lui donne des boulettes de riz pour qu'elle prenne des forces. Il lui rend aussi ses vêtements qu'elle avait dû abandonner contre les costumes de service qui lui ont été remis. Haku lui restitue enfin la carte que ses amis lui avaient donnée pour son départ portant l'inscription « Chihiro, porte toi bien. A bientôt. » Sen s'aperçoit qu'elle avait déjà oublié son ancien prénom. Haku lui explique alors que Yubâba tient prisonnier certains serviteurs en leur dérobant leur nom. Privés de leur identité, ils ne peuvent donc plus partir. Haku fait partie de ces gens-là : il ne se souvient plus de son nom.

Sen, en traversant pour regagner l'établissement des bains, se retourne mais ne voit pas Haku. Elle aperçoit cependant un dragon vert et blanc s'éloigner dans le ciel. De retour aux bains, Sen est rapidement mise au travail : elle doit cirer le parquet. La petite fille se met donc à la tâche avec ardeur, même si elle semble beaucoup moins efficace que les autres serviteurs. Alors qu'elle s'apprête à jeter l'eau sale à l'extérieur, Sen aperçoit un spectre masqué, sans visage, qui attend dehors sous la pluie. Pressée, elle lui explique qu'elle laisse la porte vitrée ouverte pour qu'il puisse rentrer s'il le désirait.

Sen doit maintenant nettoyer le bain des visiteurs les plus sales. Malgré son ardeur au travail le bassin reste maculé de saletés. Lin envoie sa petite collègue chercher une décoction pour nettoyer plus facilement le bain. Mais l'intendant refuse de lui donner un jeton, prétextant que cela serait du gâchis et qu'il suffit de frotter davantage.

C'est alors qu'intervient le « sans-visage » que Sen avait fait rentrer. Pratiquement invisible derrière l'intendant, il profite que ce dernier soit occupé au téléphone pour prendre et offrir à la petite fille le jeton donnant droit à une décoction. Sen remercie le spectre et court rejoindre Lin. Cette dernière lui montre comment fonctionnent les infrastructures qui fournissent les décoctions. En fait Kamajî mélange plantes et ingrédients et envoie l'eau à l'étage demandé. Pour recevoir une décoction il suffit d'ouvrir une trappe dans le mur et d'y accrocher son jeton. Après lui avoir expliqué, Lin s'absente.

Sen aperçoit alors le sans-visage rentrer dans la salle et pensant qu'il s'agit du client qu'on vient de leur annoncer, le prie d'attendre quelques instants afin qu'elle finisse de remplir le bain. Mais le spectre n'est pas venu pour cela et il lui offre une poignée de jetons. La fillette refuse en lui expliquant qu'un seul jeton lui suffisait. Désemparé par ce refus, le sans-visage disparaît.

Peu après, Yubâba met sa nouvelle recrue à l'épreuve en lui attribuant une première mission difficile : accueillir un « dieu nauséabond » ; elle devra lui faire prendre son bain. Sen, malgré l'odeur insupportable que dégage le client, s'exécute pendant que Yubâba l'observe. La fillette prend la décision de rajouter de l'eau à base d'une nouvelle décoction mais elle peine à accrocher son jeton. Quand l'eau arrive enfin, Sen la verse sur la divinité mais elle glisse maladroitement dans le bain ; c'est le client lui-même qui la sort de l'eau. C'est alors que Sen remarque comme une écharde dans la peau du dieu.

Elle essaie de lui enlever mais ses efforts sont vains. Yubâba semble deviner de quoi il s'agit. Elle demande donc à Sen d'y attacher une corde que les employés tireront avec elle pour extraire du dieu le corps étranger. Mais quelle n'est pas la surprise de la fillette lorsqu'elle s'aperçoit qu'il s'agit en fait de la poignée du guidon d'un vélo. Tout le monde continue à tirer sur la corde et on finit par extraire tout un tas d'objets semblant tout droit sortis d'une décharge. La divinité, nettoyée de toutes ces immondices, se montre maintenant sous son vrai visage, celui d'un puissant dieu des eaux. Pour remercier la jeune employée, le dieu lui offre une boulette dont la composition est inconnue. Puis il s'en va en quelques instants laissant derrière lui des pépites d'or que tous les employées s'empressent de ramasser. De retour dans sa chambre, Sen discute avec Lin. Elle s'étonne de ne pas avoir vu Haku aujourd'hui. A sa grande surprise, Lin lui apprend que Yubâba ferait faire au jeune garçon des choses peu honnêtes.

Pendant ce temps là, une grenouille avide d'or s'aventure dans les bains à la recherche des pépites qui auraient pu se glisser entre les lames du plancher. Le sans-visage, qui l'a observé, a compris ce qu'elle cherche et lui tend de l'or qu'il fabrique spontanément dans ses mains. La grenouille appâtée s'approche pour prendre l'or, mais elle est attrapée et ingurgitée par le spectre. Un employé, qui garde les lieux la nuit, a entendu du bruit et découvre le sans-visage. Ce dernier lui offre de l'or en lui expliquant, avec la voix de la grenouille qu'il vient de gober, qu'il s'agit d'une avance pour le repas qu'il voudrait qu'on lui prépare...

Le lendemain matin, Sen se réveille en sursaut : elle vient de faire un cauchemar. Elle est surprise de voir le dortoir désert. Lin vient la chercher et lui montre une pépite. « Il y a un invité très généreux qui donne de l'or. » Mais cela n'a pas l'air d'intéresser Sen qui scrute l'horizon depuis la terrasse du dortoir en pensant à ses parents. Soudain elle aperçoit un dragon blanc et vert qui se débat dans les airs. Il semble être pourchassé par une multitude d'oiseaux de papier. Sen, en voyant le dragon, devine instinctivement qu'il s'agit de son ami Haku.

Le dragon aperçoit la fillette et s'engouffre alors dans le dortoir tandis que son amie ferme les portes vitrées pour empêcher les oiseaux de rentrer. Essoufflé et meurtri, l'animal se repose quelques instant avant de ressortir soudainement et de voler en direction de l'appartement de Yubâba, quelques étages plus haut. Sen décide de monter le rejoindre pour le soigner.

Mais un oiseau de papier vient subrepticement se coller dans son dos... En sortant du dortoir, la fillette découvre un établissement en effervescence. La folie de l'or s'est emparée du personnel des bains. Ils sont tous occupés à nourrir et servir le sans-visage qui engloutit les plats à une cadence infernale et enfle à vue d'oeil. En se faufilant dans la foule, Sen se trouve nez à nez avec le spectre qui lui offre une poignée d'or.

Mais Sen refuse son cadeau et repart en s'excusant. Le sans-visage, désespéré et furieux, avale deux employés, et crée du même coup la panique autour de lui. Quand Sen arrive enfin au dernier étage de l'établissement, elle entend Yubâba et se cache sous les coussins de la chambre de « bébé ».

Malheureusement celui-ci se réveille et ne veut plus la laisser partir ; il veut qu'elle reste jouer avec lui et, devant le refus de Sen, il menace de lui casser le bras. La fillette lui montre alors sa main recouverte de sang de dragon. Le bébé effrayé lâche son emprise et se met à pleurer. Yubâba est partie et Sen en profite pour rejoindre le dragon qui gît sur le sol, inerte. là, un étrange trio de têtes sans corps semblent venir le pousser dans une conduite vers les oubliettes. La fillette tente de les chasser pour protéger son ami, mais elle est harcelée par Yubâ-bird, l'oiseau sentinelle de Yubâba.

Soudain l'oiseau de papier qui s'était collé sur le dos de Sen tombe à terre et fait apparaître l'hologramme de Zeniba, la sœur jumelle de Yubâba. Cette dernière explique à Sen que Haku a volé son sceau pour en acquérir les pouvoirs et devenir sorcier, mais que l'objet est protégé par un sort qui va finir par le tuer. Puis Zeniba, pour se venger de sa sœur, transforme Bô, le bébé, en rat obèse, la sentinelle en oiseau-mouche et les « trois têtes » en Bô ! Malgré ses blessures le dragon réussit à faire disparaître l'hologramme de la sorcière en balayant de sa queue l'oiseau de papier. En s'agitant il finit par tomber dans un conduit du sol, emmenant avec lui Chihiro qui s'agrippe comme elle peut.

Chevauchant le dragon Chihiro a soudain un flash-back, elle se revoie chevauchant un dragon sous une eau limpide. Finalement tout deux atterrissent dans la chaufferie. Kamajî en voyant l'animal mythique n'a pas beaucoup d'espoir. Il explique à Chihiro que Haku est victime d'un empoisonnement. Sen prend alors la boulette amère que lui a donnée le dieu des eaux, la coupe en deux et lui enfourne une moitié dans la gueule l'obligeant à l'avaler.

Le dragon se débat violemment et finit par cracher le sceau volé à Zeniba, ainsi qu'un ver responsable des maux de Haku. Sen parvient à l'ecraser tandis que Haku reprend sa forme originelle. Mais il est gravement atteint. Sen décide alors de partir à la rencontre de Zeniba afin de lui rendre son sceau et de lui demander de sauver le jeune garçon.

Zeniba habite par delà les eaux et Kamajî donne un ticket de train à Sen pour s'y rendre. Mais en traversant l'établissement, la fillette rencontre Yubâba qui lui demande d'aller voir le sans-visage qui la réclame. Le sentant malade, Sen lui donne l'autre moitié de la boulette amère qu'il s'empresse d'avaler. Le mets est infect, ce qui rend furieux le spectre. Paniquée, Sen s'enfuit, poursuivie par la divinité. Yubâba qui n'accepte pas le comportement de son client envoie une boule de feu qui le percute de plein fouet. Il vomit alors sur la sorcière tout ce qu'il a ingurgité depuis son arrivée.

De son coté, Sen a rejoint Lin qui l'attend dehors pour l'accompagner en baquet jusqu'au quai où le train s'arrêtera. De loin, elle aperçoit le sans-visage amaigri qui la suit. Il a été exclu de l'établissement mais s'est apaisé. Il rejoint Sen qui attend à l'arrêt, puis tous deux montent à bord du train. Sen, accompagnée de Bô et de Yubâ-bird sur son épaule découvre à travers la fenêtre du wagon le paysage inondé par les eaux. Aux bains Yubâba découvre avec colère la supercherie de sa sœur et la disparition de son fils. Haku, libéré de l'emprise de Yubâba, lui propose un marché : il lui ramène son fils contre la libération de Sen et de ses parents. De son coté Sen descend à l'arrêt que lui a indiqué Kamajî. La nuit est tombée et la fillette, suivie de ses compagnons de voyage emprunte le sentier qui lui fait face. Sur le chemin, elle rencontre une lanterne animée qui les guidera jusqu'à la maison de Zeniba.

Sen s'étonne que Zeniba vive dans une modeste chaumière. La sorcière les accueille chaleureusement et Sen lui rend le sceau dérobé par Haku. Zeniba la rassure sur la santé de son ami : le ver était un soritlège de Yubâba et maintenait Haku sous son emprise. Sen a libéré son ami en écrasant le vermisseau et Haku est donc hors de danger.

Pour remercier Sen, Zeniba confectionne, avec l'aide de Bô et Yubâ-bird, un nouveau ruban pour lui attacher les cheveux. Mais il est déjà l'heure pour Sen de repartir. En franchissant le seuil de la porte, la fillette découvre Haku sous forme de dragon venu pour la ramener aux bains. Sen est soulagée de le voir guéri de ses blessures. Tous remercient Zeniba et le sans-visage accepte l'invitation de la sorcière à rester avec elle. Sen chevauche le dragon qui s'envole. Agrippée aux cornes de l'animal, elle a soudain un violent flash-back. Elle se souvient de Haku et lui murmure son vrai nom : Kohaku. A ces mots Haku, qui retrouve son identité et sa liberté, reprend sa forme originelle de jeune homme. Haku est en réalité le dieu d'une rivière dans laquelle Chihiro avait failli se noyer lorsqu'elle était petite, en essayant de récupérer sa chaussure tombée dans l'eau. Haku l'avait alors sauvée en la ramenant sur la rive.

Ce n'est que le lendemain matin que tous arrivent aux bains. Bô reprend son apparence normale mais cette expérience l'a changé et Yubâba retrouve son fils plus mature qu'il ne l'a jamais été. Bô demande à sa mère de ne pas contrarier Chihiro mais, pour pouvoir repartir, la fillette doit subir une dernière épreuve : reconnaître ses parents parmi une douzaine de cochons.

Sûre d'elle, après avoir bien observé les animaux, Chihiro explique qu'ils ne sont pas parmi eux. Yubâba est visiblement contrariée mais devant tout le personnel qui s'est rassemblé pour l'occasion, elle ne peut que tenir sa promesse. Elle rend à Chihiro sa liberté en même temps que celle de Haku. Les deux enfants repartent vers la prairie par laquelle la fillette est arrivée.

Ils doivent maintenant se séparer et se souhaitent mutuellement bonne chance. Chihiro accourt vers ses parents qui l'attendent. Mais ces derniers semblent ne se rappeler de rien. Chihiro aurait-elle rêvé ? On pourrait le croire... si le ruban de Zeniba n'était pas accroché dans ses cheveux !


Le voyage de Chihiro : Personnages


Chihiro et ses parents


Chihiro Ogino / Sen

Chihiro est une petite fille de 10 ans ordinaire de notre époque : chétive, introvertie, têtue, gâtée et peu téméraire. Lors d'un déménagement vers une autre ville avec ses parents, elle entre accidentellement dans « l'autre monde », celui des dieux, des monstres et des esprits. Ses parents changés en cochon, elle se retrouve livrée à elle-même. Pour survivre, elle doit abandonner son nom, et devient Sen. Elle travaille désormais pour la sorcière Yubâba au temple des bains.

Confrontée à une situation de crise, la petite fille s'anime. Elle va faire preuve d'un courage et d'une force d'adaptation inattendus. Elle va se discipliner, apprendre les vertus du travail, la persévérance, l'amitié, le dévouement. En prenant ses responsabilités et au seul prix de ses efforts, elle imposera sa personnalité et son individualité, non pas en rejetant le système mais en prouvant qu'elle est digne de gagner son autonomie. Unique dans son œuvre, aussi bien physiquement qu'au niveau du caractère, Hayao Miyazaki dit à propos de son héroïne :
« Jusqu'à maintenant, je créais un personnage principal en me disant « je souhaite qu'une telle personne existe. » Cette fois, j'ai créé une héroïne qui est une petite fille ordinaire, quelqu'un avec qui les spectateurs pourront sympathiser, quelqu'un dont ils pourront dire, « oui, c'est comme ça en vrai. » C'est très important de la rendre crédible et réaliste. A partir de là, ce n'est plus une histoire où les personnages deviennent adultes, mais une histoire où ils découvrent quelque chose qui est à l'intérieur d'eux-mêmes, et qui réveillé par les circonstances particulières [...] Dans ces circonstances rencontrées par Chihiro, la plupart des hommes paniqueraient ou refuseraient d'y croire, mais ces hommes finiraient par être dévorés. On peut dire qu'en fait, le talent de Chihiro est de trouver la force de ne pas se laisser dévorer. En aucune façon, elle n'est devenue l'héroïne parce qu'elle serait une jolie petite fille dotée d'un cœur exceptionnel. »

Akio Ogino, le père de Chihiro

C'est un homme d'affaire de 38 ans de nature résolument optimiste et sûr de lui. Il n'est pas particulièrement sensible aux besoins et aux sentiments des autres. Sans-gêne et possédant un énorme appétit, il se servira goulûment dans un restaurant déserté sans attendre la venue des serveurs. Pour avoir mangé la nourriture des dieux, ce malotru sera, comme sa femme, transformé en cochon.

Yûko Ogino, la mère de Chihiro

C'est une femme de 36 ans pragmatique et de caractère affirmé. Elle parle sans détour à son mari mais au final le suit dans tout ce qu'il fait. Blasée par le comportement désagréable de sa fille, elle ne fait pas attention à elle pendant le trajet du déménagement. Comme son mari, elle paraît assez distante de son enfant.

Le personnel des bains


Yubâba

Une sorcière aux nombreux pouvoirs, qui gère Aburaya, l'établissement de bains publics, épicentre de ce monde étrange. Elle utilise la magie et dirige de façon stricte ses employés. Acariâtre, rouspéteuse, c'est également une avare lorsqu'il s'agit d'aider les autres. Elle a cependant le goût du luxe et de l'apparat et habite des appartements à la décoration somptueuse. Elle peut sembler cruelle et impitoyable, privant Chihiro de son identité et réservant un sort peu enviable à ses parents. Cependant, elle devient une maman folle de son fils unique, cédant à tous ses caprices. Personne ne connaît son âge, et l'on peut s'étonner de la voir mère vu son apparence et l'absence totale d'homme à ses côtés.

Personnage haut en couleurs, Yubâba est donc une femme au tempérament contrasté et aux nombreuses contradictions. Malgré tous ses défauts, le spectateur ne peut s'empêcher d'éprouver une certaine sympathie pour elle.

Haku

Ce jeune garçon mystérieux est l'allié et l'ami de Chihiro. Il aidera la jeune fille dès le début et constituera pour elle un soutien moral sans faille tout au long de l'aventure. Pourtant, malgré son aspect sympathique, il a en lui un coté froid et cruel. Disciple de Yûbaba qui lui enseigne la magie, il est craint et respecté par tous les employés des bains. Il peut également se transformer en un dragon et obéit à des ordres secrets de sa maîtresse. Personnage lui aussi double, il avoue cependant ne plus se souvenir de sa véritable identité ni de son nom originel, étant sous l'emprise magique de Yubâba. Chihiro parviendra à libérer Haku de sa servitude, en lui révélant sa véritable identité.

C'est un bébé géant et la seule personne capable de dicter ses volontés à sa mère Yubâba ! Capricieux et égoïste, il ne fait que réclamer, se plaindre et menacer... jusqu'à ce qu'un sortilège le change en rat obèse et inoffensif, le réduisant au silence. Si le spectateur trouve le bébé insupportable, capricieux et trop gâté, on ne peut s'empêcher de rire devant les facéties de Bô transformé en rongeur pataud et attachant. Quand il retrouvera son apparence à la fin, l'aventure vécue l'aura transformé et il soutiendra Chihiro de façon décisive.

Yubâdo (Yubâ-bird)

Le détestable animal de compagnie de Yubâba est à la fois son éclaireur et sa sentinelle. Il a un corps d'oiseau et une tête qui ressemble à celle de sa maîtresse. Transformé plus tard en oiseau-mouche incapable de nuire, il suivra et protègera Bô dans ses aventures avec Chihiro. Lui aussi devient alors un personnage drôle et attachant, choisissant même de garder sa nouvelle apparence inoffensive.

Kashira

Cet étrange trio de frères vit dans les appartements de Yubâba. Ce sont des têtes sans corps qui se déplacent sur le sol par petits bonds. Ils ne semblent d'aucun intérêt si ce n'est tenir compagnie à la sorcière.

Zenîba

C'est la sœur jumelle et sorcière rivale de Yubâba. Elle est identique à Yubâba trait pour trait mais a une personnalité complètement différente. Retirée dans une petite maison sur une île, elle préfère un style de vie beaucoup plus calme et modeste. Elle fait aussi preuve de plus de compassion et d'un sens du goût plus raffiné. Zenîba détient la clef de l'histoire.

Kamajî

On peut traduire Kamajî par « pépé chaudière ». C'est un vieillard à six bras qui, aidé des Susuwatari, s'occupe d'entretenir la chaudière au cœur de l'établissement. Il réalise également les préparations pharmaceutiques destinées aux bains. Kamajî est un travailleur infatigable qui ne quitte jamais son poste même lorsqu'il dort. Malgré son sérieux, il a un grand cœur et il aidera Chihiro à plusieurs reprises.

Rin

Rin est une fille courageuse d'environ 17 ans qui travaille à Aburaya. Elle connaît parfaitement les lois de survie dans le dur monde des bains et doit s'occuper de Chihiro lors de son arrivée dans le monde des esprits. Plutôt abrupte de prime abord, elle se révèle être une personne de caractère, sensée et réfléchie. Elle ne connaît apparemment que peu de choses du monde extérieur, mais elle rêve de gagner assez d'argent pour pouvoir partir un jour.

Chichiyaku et Aniyaku

Traduit littéralement, « celui qui joue le rôle du père » et « celui qui joue le rôle du grand frère ». Ce sont en fait le manager et le sous-manager des grenouilles qui travaillent au temple. Malgré leur air sévère ils ne sont pas foncièrement mauvais. Ils mènent l'existence de cadres moyens, coincés entre une Yubâba exigeante, les employés à encadrer et les clients à satisfaire.
Les travailleurs grenouilles sont des personnages comiques et curieux. Ils possèdent une grosse voix et sont très attirés par l'or. Ils s'occupent principalement de préparer les repas pour les dieux.

Yuna

Ce sont en fait des escargots de jardin transformés en servantes pour les bains. Elles ont des tâches variées : accueillir les clients, les baigner, s'occuper des chambres, nettoyer... Comme les grenouilles, elles sont fascinées par l'or. Les Yuna se montrent froides envers Chihiro, nouvelle arrivée.

Les Susuwatari

Une armée de boules de suie, évoquant irrésistiblement les noiraudes de Mon voisin Totoro, et qui portent avec leurs frêles membres des boulets de charbon pour alimenter le fourneau du temple. Elles adorent les Kompeitô (friandises en forme d'étoiles multicolores). Leur condition d'esclaves ouvre les yeux à Chihiro qui prend conscience de la dureté du labeur et de la vie.

Les dieux

Les clients des bains sont d'anciens dieux locaux qui viennent soulager leurs maladies et leurs blessures. « C'est dur d'être un dieu japonais de nos jours. » (Hayao Miyazaki)

Kaonashi

Le « sans-visage » est un personnage énigmatique qui peut se rendre invisible et dont le visage est caché par un masque.

Il semble venir d'un monde différent de celui d'Aburaya. Est-ce un dieu, un esprit malin ? Son identité et ses intentions semblent être un mystère. Kaonashi parvient à entrer discrètement dans les bains grâce à l'invitation de Chihiro, prise de compassion devant cet être solitaire et triste en quête d'amour. Mais rapidement, ses désirs insatisfaits mettent en danger chacune des personnes qui l'approchent. Certains membres du personnel, attirés par l'or factice qu'il produit sont tout simplement avalés et Kaonashi s'approprie même leur voix, tout en grossissant à vue d'œil ! Bien que Chihiro ait éprouvé de la compassion devant ce personnage, elle refuse sans hésiter son or quand il lui en propose. Touché par ce comportement désintéressé, Kaonashi considère dès lors Chihiro comme quelqu'un de spécial pour lui, et décide de la suivre partout. Sa tendance à engloutir tout ce qui l'entoure s'apaise tout au long de son périple auprès de la petite fille, jusqu'à ce qu'il trouve le repos et la paix chez Zenîba.

A travers ce personnage, on sent une vive critique envers notre société consumériste, qui dévore tout sans réel besoin, enfle et détruit tout sur son passage.

Okusare-sama / Kawa no Kami

C'est le premier client dont doit s'occuper Chihiro ! Et pas le plus facile puisqu'il s'agit d'un dieu putride (Okusare-sama). Couvert de boue, sa puanteur est à proprement parler hallucinante. Quand Chihiro parvient à le faire éclater, on découvre qu'il s'agit en fait d'un dieu de la rivière (Kawa no Kami), puissant et ancestral. Il avait au cours du temps accumulé en son sein détritus et ferraille qui l'ont rendu méconnaissable. Comme témoignage de sa reconnaissance pour sa séance de nettoyage, il laisse des pépites d'or au personnel des bains ainsi qu'une boulette amère agissant comme médicament à Chihiro. Arrivé en traînant sa masse boueuse informe, il repart sous la forme d'une entité au visage représentant un masque de vieillard et au long corps en forme de serpent blanc.

Là encore on peut sentir une critique de notre société, qui ne se soucie plus de la nature, au point de polluer les rivières d'ordures et de déchets produits par notre comportement ultra-consumériste.

Kasuga-sama

Semblables à des ombres, ces dieux se rendent aux bains en groupe par bateau. Ils portent d'étranges masques et des Sokutai (habits traditionnels des nobles). Kasuga-taisha est le nom d'un célèbre sanctuaire Shintô de la ville de Nara où est pratiquée une danse rituelle traditionnelle nommée Ama. Les danseurs y portent des masques de papiers, semblables à celles des Kasuga-sama.

Oshira-sama :

A l’origine dieu agricole vénéré au centre et au Nord du Japon, le personnage est tout simplement la divinité du radis dans le film.

Onama-sama :

Ces dieux sont inspirés des déguisements des Oni, les démons du Namahage, un rituel japonais pratiqué lors du nouvel an dans la péninsule d'Oga proche de la préfecture d’Akita.

Ôtori-sama :

Dieu-poussin. Pour Hayao Miyazaki, à l’origine, se sont sûrement des poussins qui ont été mangé !

Ushi-oni :

Démon à ramure (Ushi = vache/bœuf), Ushi-oni est assimilé à des choses horribles. dans le livre Makura no Sôchi (Notes de chevet), datant du XIe siècle, il existe une note intitulée Na Osoroshi Kimono Ushi-oni où l’on mentionne le démon dans le cadre d’un festival traditionnel à Uwajima (préfecture de Ehime).

Le voyage de Chihiro : Analyse


Le voyage de Chihiro est avant tout un magnifique conte, empreint d'une poésie, d'une imagination, d'un sens du merveilleux rarement entrevus dans un long métrage. Mais à travers les splendeurs de cette fable enchanteresse, c'est la philosophie de vie, les préoccupations et les espoirs d'un homme qui transparaissent, c'est le style et la thématique d'un artiste accompli qui affleurent.

Le voyage de Chihiro, un film répondant aux réalisations de Takahata ?

Depuis le début, les films de Isao Takahata et Hayao Miyazaki semblaient souvent se répondre. La déchirante douleur du Tombeau des lucioles s'opposait à la magique insouciance de Mon voisin Totoro. L'univers très personnel de Porco Rosso se démarquait de l'univers réaliste de Souvenirs goutte à goutte. Mais, avec Le voyage de Chihiro, cette pratique n'a jamais été aussi frappante. D'abord les images éblouissantes et hautes en couleurs du film de Miyazaki contrastent avec le style épuré et minimaliste de Mes voisins les Yamada. Ensuite et surtout, le message récurrent du dernier opus de Takahata semble être « c'est la vie » ou encore « tout finira par s'arranger ». Le propos de Miyazaki est tout autre. Le voyage de Chihiro nous apprend en effet que, dans la vie, il faut s'accrocher et ne pas perdre courage. Les deux films sont donc radicalement différents et confirment l'éloignement conceptuel des deux réalisateurs.

Le voyage de Chihiro semble aussi répondre au film de Takahata, Pompoko. En effet les deux œuvres ont des thèmes acteurs communs : les croyances et les divinités japonaises. Or dans Pompoko, les tanuki (incarnant alors les croyances japonaises) sont victimes des humains qui s'approprient peu à peu leur territoire. La situation semble inversée dans Le voyage de Chihiro où l'héroïne est livrée à elle-même dans le monde des dieux. Miyazaki nous montre ainsi que les croyances et les divinités n'ont pas disparu. Elles sont bien vivantes mais enfouies en nous, comme le souvenir de Haku dans le cœur de Chihiro. Mais le réalisateur semble aussi rejoindre le cynisme de son collègue, car il représente les dieux malmenés par les hommes et ils doivent se reposer et se soigner dans les eaux purificatrices d'Aburaya, l'établissement des bains.

La critique de notre société

Dans ce conte moderne, Hayao Miyazaki nous fait découvrir Aburaya, un monde étrange peuplé de dieux. Mais nous pouvons rapidement nous rendre compte que l'établissement des bains n'est autre que la projection de la société moderne et surtout du monde du travail. On peut y découvrir une Yubâba tyrannique et avide d'argent et de profit, incarnant le patronat ; mais aussi des cadres intermédiaires, tels que l'intendant lui aussi victime d'avarice (il ne donnera pas à Sen la décoction qu'elle lui a demandée). On y rencontre aussi les ouvriers, les hommes grenouilles, et les Susuwatari rendus esclaves et sujets à peu d'évolution dans la société. En la plongeant dans ce monde Miyazaki lève le voile que Chihiro a devant les yeux. Jusqu'à présent elle était protégée par le cocon familial et son milieu aisé. Mais maintenant elle est confrontée à un environnement difficile et devra prendre des initiatives et ses responsabilités. Avec Chihiro, Miyazaki semble donner un espoir à son public ; en effet Chihiro, par sa détermination et son naturel, semble complètement passer outre la hiérarchie et les barrières sociales (qui d'autre qu'elle ose monter au dernier étage d'Aburaya ?).

Le réalisateur dénonce également tout au long de son film l'hyperconsommation et la société corrompue par l'argent. Cette critique apparaît très tôt dans le film. Elle est d'abord véhiculée par le père de Chihiro. Lorsqu'il s'attable sans même avoir eu l'autorisation du personnel du restaurant. Il rassure Chihiro en lui disant qu'il a son porte monnaie sur lui et même qu'en cas de problème il avait sa carte bleue. Comme si l'argent pouvait tout acheter, même faire oublier son sans-gêne.

Une autre grande victime de l'hyperconsommation dans le film est le « sans-visage ». Il pense pouvoir tout acheter avec l'or qu'il fabrique : ses repas, l'attention de ses serviteurs et même l'amour. Mais il se heurte à Chihiro qui n'accepte pas ses cadeaux. Devant son or, elle lui avouera qu'il ne peut pas lui donner ce qu'elle veux. Le « sans-visage » ne comprend pas qu'elle n'a besoin que du nécessaire, alors que lui dévore tout sans même avoir faim, pour apaiser son insatisfaction, son besoin du toujours plus... Dans son désespoir, il est alors rongé par sa deuxième personnalité. On peut remarquer qu'il possède dans ces moments une chevelure qui témoigne de sa transformation ; une métaphore pour le rendre plus humain dans sa folie ?

Un troisième personnage est révélateur de la société de consommation japonaise. Bô, le poupon géant de Yubâba incarne, selon Miyazaki, « l'absolue bêtise des mères japonaises qui cherchent à être aimées à n'importe qu'elle prix. C'est la raison principale pour laquelle Yubâba a besoin de gagner tant d'argent : elle dépense tout pour son bébé. Elle en a fait un monstre, celui qu'il y a en elle. [...] En faisant des enfants un rouage économique, nous fonçons vers un enfer que nous avons nous-même créé. »

Enfin que dire du personnel des bains, totalement accaparé par l'appât du gain ? Avec l'arrivée du « sans-visage » la folie de l'or s'empare de tout ce petit monde, aussi pathétique dans son comportement que dans sa condition.

Miyazaki se heurte ici à notre société contemporaine. Il avait imaginé dans Conan, le fils du futur, une société communautaire à l'image de ses convictions de l'époque. Au fil de sa filmographie, la pensée de Miyazaki est devenue plus pessimiste. Dans Le voyage de Chihiro, Miyazaki semble avoir totalement oublié ses rêves utopistes, il porte désormais un regard lucide sur notre société et nous en propose un portrait réaliste et critique, malgré le cadre imaginaire du film. La pensée de Miyazaki a véritablement évolué. La solution n'est plus collective, mais individuelle. En effet, le personnage de Chihiro semble prouver qu'avec beaucoup de courage et de volonté, chacun peut s'en sortir, et ce, même au sein d'une société bridée par les hiérarchies et par les comportements stéréotypés.

Culture japonaise

« Ceux qui ont oublié leurs attaches sont condamnés à disparaître. » Pour Hayao Miyazaki, l'identité d'un peuple ou d'un pays est liée à son histoire, à sa culture. Renouer avec ses racines, à travers l'animisme notamment, est peut-être le thème le plus important dans l'œuvre de Miyazaki car il englobe finalement tous les autres. C'est le propos majeur de Mon voisin Totoro, de Princesse Mononoke, du Château dans le ciel, de Nausicaä de la Vallée du Vent et même de Porco Rosso dans une optique plus individualiste : la personnalité d'un homme comme celle d'un peuple est lié à son passé.

Le voyage de Chihiro ne déroge pas à la règle. Le film fait évoluer le personnage le plus normal et le plus actuel jamais imaginé par Miyazaki dans un monde imaginaire mais profondément ancré dans la culture japonaise. L'histoire elle-même se réfère à des contes populaires traditionnels et le folklore japonais devient ici le vivier d'une formidable troupe d'acteurs. Qui en dehors du Japon pourrait être sensible à cette atmosphère si particulière ? En fait c'est l'affirmation même de l'identité japonaise qui renforce l'intérêt pour le film, autant pour les non-japonais que pour le peuple nippon qui redécouvre la richesse de son patrimoine culturel et les valeurs simples qui guidaient autrefois leurs pensées et leur mode de vie.

Certaines anciennes cultures croient que toute chose ou personne a un « véritable » nom et que lorsque l'on connaît ce nom, on détient le pouvoir sur la chose. Ainsi les mots étaient utilisés avec une extrême attention. Miyazaki croit également en l'importance des mots et en leur signification ; mais de nos jours ils perdent de leur substance car ils sont pris avec trop de légèreté et sont vidés de leur sens. C'est par le pouvoir des mots que Chihiro va réussir à se faire une place, mais aussi que Yubâba parvient à lui dérober son identité. Retrouver son nom dans Aburaya est la clef de la liberté. Le réalisateur parle mieux que quiconque de l'importance de la parole dans sa note d'intention.

D'autres scènes sont des allusions directes à des rites ou croyances japonaises. Ainsi, lorsque Chihiro écrase le ver qui rongeait Haku, elle fait se joindre ses deux index et trépigne devant Kamajî. Celui-ci passe alors sa main entre les deux index, comme pour couper un fil invisible. En fait, il s'agit d'un geste de purification appelé Engacho wo Kiru (« couper l'impureté littéralement ») que les japonais faisaient auparavant pour conjurer une souillure.

Quant aux petits papiers que Zenîba a envoyé à la poursuite de Haku, il ne s'agit pas d'origami, mais d'une référence à l'Onmyôdô (« voie du Ying et du Yang »), une théorie du taoïsme qui enseigne ce qui est à éviter certains jours, quelles directions prendre à telle période de l'année, la façon dont on devait construire une maison (ce qui s'apparente au Feng Shui)... Les prêtres étaient notamment chargés de purifier les lieux par l'utilisation de petits bouts de papier sur lesquels sont écrits des prières, les Ofuda. Les Shikigami sont liés à ces pratiques. On croyait que les prêtres pouvaient insuffler la vie à des petits bouts de papier en forme d'animal ou d'humain et leur ordonner tout ce qu'ils voulaient. shiki désigne « le style », « la manière », et Gami se traduit par « dieu ». On retrouve cette croyance dans bon nombre d'animes.

L'univers des bains est un des éléments fondamentaux de cette œuvre et un des plus japonais ! Il s'agit des onsen, ces bains chauds dont l'eau est généralement issue de sources volcaniques. Véritable lieu de détente, il sert également à guérir certaines maladies par certaines plantes ajoutées dans le bain. Dans les onsen, les clients doivent être entièrement nus et seule une serviette cache une partie de l'anatomie ! Les bains dans Le voyage de Chihiro répondent parfaitement à cette description, servant à relaxer les divinités et à leur ôter parfois des maux terribles, comme lors de l'épisode du dieu putride.

Un film universel

Cependant, Hayao Miyazaki touche également à une universalité certaine. Il choisit un cadre très nippon et pourtant les appartements de Yubâba sont une référence évidente au luxe de châteaux européens Rococo comme le Versailles de Louis XV. La chambre de son fils est décorée par des châteaux évoquant irrésistiblement ceux de Bavière ou d'Autriche. La façon de se comporter de Chihiro pourrait très bien être celle d'une petite française ou d'une jeune américaine.

Mais c'est surtout la mise en scène qui permet d'atteindre le cœur de chaque spectateur. Une scène est particulièrement révélatrice de ce talent exceptionnel de Miyazaki, il s'agit de la splendide scène du train. Chihiro monte dans le train la conduisant chez Zenîba. Elle seule est dessinée avec précision, tous les autres passagers ne sont que des ombres. Elle porte alors un regard lointain et pensif vers la mer qui entoure le train, semblant seule au monde. Pour beaucoup de spectateurs, cette scène a provoqué des sentiments très forts. La musique de Joe Hisaishi y est pour beaucoup. Simple, modeste mais à la force nostalgique immense elle correspond parfaitement à l'état d'esprit de Chihiro.

Chacun voit en cette scène un sens différent. Certains y voient un écho à leur enfance et à la terreur de prendre seul le train. D'autres pensent y voir une métaphore de la vie, sans retour en arrière possible, comme le précise Kamajî en ne proposant qu'un aller simple. Des japonais ont cru voir dans la scène où le train dépasse une gare, où se trouve une petite fille seule sur le quai, une allusion au Japon de l'après-guerre, où l'on attendait sans cesse le retour des militaires, sans que jamais ils ne reviennent. On peut d'ailleurs également voir dans cette scène une réminiscence de la scène de l'arrêt de bus de Totoro. D'autres pensent qu'il s'agit en fait de la superposition du monde réel et du monde des dieux, où les humains ne sont que des ombres, comme le sont les dieux dans le monde des humains. Certains enfin voient dans cette scène du quotidien une critique de notre société, où personne ne prend le temps de se regarder, chacun devenant une ombre pour l'autre.

Pourtant, dans une interview donnée à Fluctuat.net en 2001, Miyazaki explique fort simplement cette scène, qui lui est venu quasi inconsciemment :
« Quand Chihiro prend le train toute seule, la fin du film est atteinte. Je ne saurais l'expliquer. Je le sais, c'est tout. Ce n'est pas logique, donc c'est issu de l'inconscient. Je vais vous donner un autre exemple de sa manifestation. Dans Le voyage de Chihiro, on voit la petite fille monter seule dans un train. Quand on prend pour la première fois un train tout seul, on est envahi par des sentiments d'inquiétude et de solitude. Pour communiquer cette tension par le dessin, on peut utiliser les paysages extérieurs. Mais la plupart des individus, après leur premier trajet en train, ne se souviennent pas des lieux traversés. Aussi, afin de rendre toutes ses impressions, j'ai choisi de ne rien mettre autour du train, de laisser l'horizon vide. Sans m'en rendre compte, j'avais préparer cela, puisque j'avais décidé en amont que la pluie créerait un océan entourant la cité des bains. Au moment où nous avons conçu la séquence du voyage en train, je me suis donc dit « quelle chance, cet océan ; heureusement qu'il n'y a pas de paysage. » Dans ces moments-là, je m'aperçois que je travaille de manière inconsciente. Et je l'accepte. »

Il s'agit là de la véritable description du génie, une personne réalisant un chef-d'œuvre sans même y penser. Tel un écrivain, Miyazaki explore la grammaire cinématographique en renouvelant sa mise en scène et en l'enrichissant sans cesse, touchant ainsi le cœur de chaque spectateur.

Je vous laisse approfondir la conception technique du Film en lisant la suite sur Buta Connection.

lundi 12 mars 2018

Inspiration - Film : Nausicaä de la Vallée du Vent

On s'est regardé "Nausicaä de la Vallée du Vent" avec mon Fils, je connaissait l'œuvre de nom mais ne l'avait jamais vu, que dire un pur moment de bonheur. On est vraiment de plus en plus fan de Hayao Miyazaki et on se rend compte au fur et à mesure qu'on découvre ses œuvres comme son univers est foisonnant d'idées pour des aventures de jeux à tendances Steampunk / Dieselpunk, Pulp... Dans ce film, le mélange des restes d'une société humaine quelque dont les quelques nations subsistantes vivent quelque part entre Médiéval, Dieselpunk dans un monde Post-Apocalyptique où la nature a mutée et repris le dessus et où les survivants humains luttent contre d'immenses insectes mutants... Bref le genre d'univers que j'adore. Si on rajoute à ça une ambiance très Sci-fi des années 70/80 (le film date de 1984), une musique Synth et Jazz typique de cette époque... Pour moi c'est top. Mon fils aussi adore car Ghibli est pour lui une référence absolue en matière d'animés Japonais et il est fan de cette culture.




La fiche du film présentée ci-dessous vient en partie de l'excellent site Buta Connection qui est consacré au Studio Ghibli, studio d'Hayao Mizayaki.

Mille ans après les « Sept jours de feu » et l'effondrement de la grande civilisation industrielle, se répand sur les terres désolées le Fukai : une forêt toxique peuplée d'insectes géants. L'étendue du Fukai menace l'existence des survivants de la race humaine. La Vallée du Vent est un petit royaume protégé tant bien que mal des pollutions de la forêt par un vent marin. Sa princesse, Nausicaä, est une jeune fille caractérisée par une forte empathie pour toute forme de vie. Elle dédie son existence au bien-être de son peuple et cherche à comprendre le Fukai. Un jour pourtant, la vie paisible de la Vallée va basculer dans le chaos...

Kaze no Tani no Naushika (Nausicaä de la Vallée du Vent) est une œuvre-clef de Hayao Miyazaki et a marqué durablement l'histoire de l'animation japonaise. Plus de trente ans après leur création, le film et son héroïne emblématique restent une référence gravée dans les cœurs de tous les fans.


Nausicaä de la Vallée du Vent : Résumé détaillé

Un vieux guerrier menant deux grands oiseaux entre dans un village désert entièrement envahi par des champignons émettant des vapeurs empoisonnées. L'homme ne peut que constater le spectacle de désolation : un autre village est mort et sera bientôt envahi par la forêt.

Le générique du film défile, illustré par les scènes d'une décoration murale primitive. Le contrôle de la technologie a échappé à l'homme et de terrifiantes armes, sous la forme de gigantesques guerriers biomécaniques, ont déversé le feu et la destruction sur le monde. La science et les poisons utilisés pendant la guerre ont permis à des insectes géants et des plantes nouvelles d'infester notre monde. Mille ans après, la forêt toxique, le Fukai, continue de s'étendre inexorablement sur la planète, annonçant le crépuscule du genre humain. Mais alors que la fresque semble s'arrêter, l'histoire devient prophétie. Une créature angélique dans une robe bleue apparaît et devient le sauveur de l'humanité.

Nausicaä sur son Moeve, un planeur à réaction, apparaît, volant à travers les nuages au dessus du Fukai. Bientôt, elle se pose et, munie de son masque, entre dans la forêt toxique. Elle y découvre une carapace d'Ômu, l'immense insecte-roi. Ravie par sa découverte, elle récupère un des globes oculaires, qui ressemble à une coupole en verre.

Soudain, un coup de feu de détresse se fait entendre. L'homme de la première scène, à dos d'oiseau, fuit hors de la forêt, pourchassé par un Ômu fou de rage. Nausicaä se précipite à sa rescousse. Pour neutraliser cette colère, elle lâche depuis son Moeve des grenades stroboscopiques devant l'insecte. Étourdi et abasourdi, l'Ômu s'arrête. Son agressivité partie et sa placidité revenue, il retourne dans la forêt.

Nausicaä atterrit près de l'individu. Celui-ci n'est autre que Maître Yupa, l'ancien tuteur de la princesse. Après un long voyage, il est de retour dans la Vallée du Vent, le petit royaume de Nausicaä protégé du Fukai par un vent marin. Yupa explique qu'en sauvant un petit renard-écureuil qu'il avait pris pour un bébé humain, il a tiré sur un insecte, déclenchant ainsi la colère de l'Ômu. Nausicaä adopte rapidement le petit animal malgré ses airs faussement farouches et lui donne le nom de Teto.

Ce soir-là, Yupa discute avec le roi Jill, père de Nausicaä, très atteint par une maladie causée par l'air toxique, de ses voyages et du déclin progressif de l'humanité, au fur et à mesure que le Fukai avance. Ô-baba, une vieille sage aveugle, affirme que Yupa parcourt le monde à la recherche de l'élu dont la légende dit « qu'il est une personne vêtue de bleu qui descendra du ciel sur un champ tissé d'or, renouera le lien perdu avec la terre et guidera les gens vers un pays d'un bleu pur. » Mais Yupa rétorque qu'il ne fait qu'étudier le Fukai.

Pendant la nuit, Mito réveille Nausicaä. Il y a quelque chose d'anormal dans le vent. Elle rejoint immédiatement le guetteur de nuit sur le toit du château. A leur stupéfaction, un énorme transporteur Tolmèque surgit de la nuit, couvert d'une nuée d'insectes. Le navire tente de continuer son vol mais finit par s'écraser sur un relief près des champs. Nausicaä est la première sur les lieux du sinistre et recherche des survivants. Elle découvre Lastel, princesse du royaume de Pejite. Mortellement blessée, la jeune fille lui demande si le cargo a bien entièrement brûlé. Nausicaä lui assure que tout a été détruit et Lastel meurt soulagée.

Les champignons transportés par l'avion ont atterri dans les champs et les habitants de la Vallée se mobilisent pour éradiquer l'infection. Ils découvrent près de la carcasse de l'avion un insecte blessé et s'apprêtent à le tuer. Yupa les arrête : s'ils l'attaquent, il appellera une nuée d'insectes qui ravagerait tout. Utilisant un sifflet qu'elle fait tournoyer au bout d'une corde, Nausicaä parvient à leurrer l'insecte et à le faire retourner dans la forêt.

Le jour suivant, un escadron de corvettes et de transporteurs Tolmèques envahit la Vallée. Puissamment armés, ils soumettent la population. Se trouvant dans les champs au moment de l'invasion, Nausicaä se précipite au château. Elle y découvre avec effroi un groupe de soldats venant d'assassiner son père. Folle de douleur et de rage, Nausicaä les attaque. Elle cause de nombreux dégâts mais son arme est bientôt inefficace contre les armures des soldats venus en renfort. Yupa s'interpose alors au milieu du combat évitant à Nausicaä de connaître le même sort que son père.

Dehors, les habitants de la Vallée apprennent la mort de Jill. Alors qu'ils étaient sur le point de se révolter, Nausicaä leur demande de ne rien tenter. La princesse Tolmèque Kushana, commandante de la force d'invasion, explique à la population que les Tolmèques ont l'intention de brûler le Fukai pour rendre la terre à l'humanité. Ô-baba la prévient que d'autres grands empires ont déjà tenté de détruire la forêt mais les Ômu se sont toujours levés en masse et ont à chaque fois tout dévasté.

Mais Kushana est persuadée que cette fois, l'humanité sortira vainqueur. L'avion qui s'est écrasé la veille dans la Vallée du Vent transportait un Dieu-guerrier en sommeil. Les Tolmèques comptent le raviver sur place et l'utiliser contre le Fukai. Pour éviter toute rébellion, Kushana décide de prendre en otage Nausicaä et quelques personnes âgées de la Vallée. Elle les ramènera avec elle vers la capitale Tolmèque.

La nuit avant le départ, Yupa, suivant Teto, trouve Nausicaä dans les soubassements du château. Il découvre avec stupeur qu'elle y tenait un jardin secret dans lequel elle a cultivé des spores collectés dans le Fukai. Nausicaä explique à Yupa que s'ils poussent avec de l'eau et de la terre saine, les plantes ne libèrent pas de toxines. La jeune fille a découvert que ce ne sont pas elles qui sont toxiques mais les sols et les eaux qui sont pollués. Nausicaä espérait trouver un remède pour guérir son père et les personnes affectées par les poisons, mais elle doit tout laisser derrière elle.

Le lendemain, Nausicaä et les autres otages embarquent dans des vaisseaux Tolmèques. Sur le chemin, la flotte est attaquée par un chasseur de Pejite piloté par le prince Asbel, frère de Lastel. Celui-ci parvient à détruire plusieurs appareils. Horrifiée par cette tuerie, Nausicaä monte sur l'armature du vaisseau et écarte les bras en guise de bouclier. Asbel, l'espace d'une seconde, croit voir en Nausicaä sa défunte sœur. Son hésitation permet à une corvette Tolmèque de le toucher et son chasseur plonge dans le Fukai. Nausicaä, Mito et Kushana s'échappent du vaisseau Tolmèque en feu à bord du Gunship de la Vallée. Ils rejoignent le groupe des autres otages dont le planeur s'est détaché du transporteur qui le remorquait. Malgré leur affolement, Nausicaä parvient à les guider dans leur descente et ensemble ils atterrissent sur un lac au cœur du Fukai.

Alors que les gens de la Vallée discutent du moyen de repartir de la forêt, Kushana sort un pistolet et tente de prendre le contrôle des opérations. Mais c'est alors qu'un groupe d'Ômu surgit des profondeurs du lac et les encerclent. Kushana est paralysée de peur. Au contraire, Nausicaä, très calme et pleinement confiante, laisse un Ômu l'examiner. Ne décelant aucune agressivité, les insectes repartent.

Mais bientôt, l'agitation gagne la forêt. Nausicaä grimpe sur son Moeve et part explorer les alentours du lac. Kushana neutralisée, Mito et les siens retournent vers la Vallée. De son coté Asbel est attaqué et poursuivi par les insectes. A cours de munitions, il est acculé au bord d'un escarpement et chute dans le vide. Nausicaä parvient à l'attraper mais le Moeve heurte un grand insecte volant et il s'écrase dans des sables mouvants. Asbel et Nausicaä sont engloutis...

Inconsciente après l'impact de la chute, Nausicaä rêve de son passé. Alors enfant, elle accompagne ses parents lors d'un voyage. Elle trouve un bébé Ômu qu'elle tente de dissimuler. Mais le père le lui arrache des bras et l'emporte malgré les supplications de la petite fille pour épargner l'insecte.

Les sables mouvants ont entraîné Nausicaä et Asbel dans les cavités souterraines de la forêt. A son réveil Nausicaä est surprise de voir que l'air y est respirable et non toxique. Elle comprend alors que les arbres du Fukai absorbent les poisons du sol pour les cristalliser. Le Fukai que l'homme tente de détruire est en fait en train de purifier la terre et l'eau souillées par l'homme un millénaire auparavant. Quand Asbel rejoint Nausicaä, des larmes coulent sur ses joues. Mais ce sont des larmes de joie...

Pendant ce temps, dans la Vallée, Yupa a suivi secrètement le travail des chercheurs Tolmèques pour faire revivre le Dieu-guerrier. Alors qu'il part avec Mito, revenu entre temps avec Kushana prisonnière, les villageois sont occupés à brûler une partie de leurs arbres, envahis par les champignons toxiques.

Le matin suivant, Nausicaä et Asbel se rendent dans la capitale de Pejite pour découvrir que les insectes du Fukai, emmenés par les Ômu ont tout dévasté. Ils apprennent que les Tolmèques ont leurré les insectes et les ont dirigés vers la ville. Les soldats de Pejite comptent faire de même contre les Tolmèques qui occupent la Vallée du Vent. Ils comptent s'emparer ensuite du Dieu-guerrier pour détruire le Fukai qui envahit leur pays. Nausicaä essaie de s'enfuir pour prévenir son peuple mais elle est retenue et séquestrée. Asbel qui tente de l'aider est assommé par ses propres troupes.

Dans la Vallée, le chaos règne. Le peuple s'est révolté contre l'occupant Tolmèque. Quelques villageois parviennent à s'emparer d'un tank qui permet de couvrir la fuite de la population aux abords de la Vallée. Le retour de Kushana en ces instants de crise met un terme au rêve de pouvoir de Kurotowa. Sur le transporteur de Pejite, la mère d'Asbel et de Lasbel aide Nausicaä, déguisée, à s'échapper. La jeune fille arrive à son Moeve lorsque l'avion est attaqué par un navire de guerre Tolmèque. Nausicaä prend son envol mais elle est poursuivie. Alors que la situation paraît compromise, Yupa et Mito à bord du Gunship de la Vallée viennent à la rescousse. Yupa prend ensuite les commandes à bord du vaisseau de Pejite, tandis que Nausicaä et Mito filent vers la Vallée pour tenter de sauver leurs compatriotes des plans de Pejite ainsi que du Dieu-guerrier Tolmèque.

D'en haut, Nausicaä et Mito voient une marée d'Ômu enragés se ruer vers la Vallée. Il ne leur faut pas longtemps pour découvrir la cause de leur fureur : un bébé Ômu est torturé, suspendu à une jarre volante de Pejite survolant les lacs acides. Sa douleur attise la colère des Ômu et les guident vers la jarre se dirigeant tout droit vers la Vallée du Vent. Nausicaä tente de les arrêter mais les soldats de Pejite répondent par le feu et la blesse. Elle parvient néanmoins à déséquilibrer la jarre qui s'écrase sur un petit îlot au milieu du lac.

Nausicaä se précipite pour empêcher le bébé Ômu, de s'avancer dans les eaux acides afin de rejoindre les siens. Mais en tentant de le retenir c'est elle qui se brûle. Elle s'effondre de douleur sur la plage. L'Ômu s'arrête alors et déploie ses senseurs sur les blessures de Nausicaä, qui sont soulagées en un instant.

Alors que les soldats de Pejite reprennent leurs esprits, Nausicaä leur ordonne, arme au poing, d'emporter le bébé Ômu à la Vallée, dans l'espoir d'arrêter la charge des insectes. Devant l'arrivée imminente de la horde d'insectes, Kushana de son côté libère le Dieu-guerrier qui fait feu. Le tir pulvérise la première ligne d'Ômu dans une explosion prodigieuse. Mais le Dieu-guerrier a été mis au monde trop tôt et sa chair commence à se décomposer. Après un autre tir, il s'effondre. Bien que touchés, les Ômu sont encore innombrables et continuent à charger. Le peuple de la Vallée sent sa fin proche.

Soudain la jarre volante de Pejite apparaît dans le ciel. Elle dépose Nausicaä et le bébé Ômu devant de la horde en furie. Mais les Ômu aveuglés par leur colère ne freinent pas et à leur passage Nausicaä est heurtée de plein fouet et se trouve projetée dans les airs avant de disparaître dans la masse.

Persuadés que leur princesse est morte, les habitants de la Vallée s'effondrent en larmes. Pourtant, les Ômu se sont arrêtés et leur colère s'est dissipée. Ceux qui entourent le corps brisé de Nausicaä lui appliquent leurs senseurs et la lèvent au ciel. Nausicaä reprend alors doucement connaissance, guérie, et se lève. Les nombreux senseurs des Ômu qui la soutiennent donnent l'impression qu'elle marche sur un champ de blé doré.

Quand les enfants de la Vallée décrivent la scène à Ô-baba, aveugle, celle-ci fond en larmes : la prophétie de « l'élu vêtu de bleu qui descendra du ciel sur un champ d'or » s'est réalisée. Nausicaä est celle qui a renoué le lien entre l'humanité et l'Ômu.

Le vent est revenu sur la Vallée. Les Ômu retournent dans leur forêt et les Tolmèques dans leur empire. Le peuple de Pejite qui a perdu sa cité reste dans la Vallée et aide les habitants à reconstruire. Le générique de fin montre la vie qui reprend dans le petit royaume. Yupa et Asbel explorent le Fukai et Nausicaä entraîne les jeunes enfants au vol sur Moeve. Dans une cavité souterraine sous le Fukai, une plante verte a poussé dans le sable purifié, à côté du casque abandonné de Nausicaä.


Nausicaä de la Vallée du Vent : Personnages

Nausicaa

La princesse Nausicaä, fille de Jill, est l'unique descendante royale de la Vallée du Vent. La maladie de son père a contraint Nausicaä a grandir plus vite que les jeunes gens de son âge, et c'est donc une jeune fille mature et pleinement responsable qui prend les rênes du pouvoir à la mort de son père. Loin des clichés de la princesse traditionnelle des contes de fée, Nausicaä est à la fois diplomate mais résolue, ferme mais attentive. Elle a cependant parfois besoin des conseils de Yupa lorsqu'elle doute.

Prête à assumer toutes les fonctions dévolues à son rang, elle accueille avec joie les hôtes de son père, mais sait aussi piloter à merveille son Moeve et est prête à prendre les armes pour défendre son peuple et ses terres. A la fois douce et forte, Nausicaä incarne la princesse idéale, aimée et respectée par ses sujets, crainte et admirée par ses ennemis.

Depuis son plus tendre âge, Nausicaä s'est toujours intéressée à son environnement. Un de ses premiers souvenirs est celui où elle défend un bébé Ômu qu'elle avait caché, alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille, prête alors à braver les adultes et ses propres parents, décidés à tuer l'insecte. Mue par une véritable volonté de comprendre ce qui l'entoure, elle a même cultivé elle-même son jardin secret, au sens propre comme au sens figuré, puisqu'elle a fait pousser elle-même du Fukai afin de saisir les raisons de ce mal qui dévore son pays et la Terre toute entière. Elle seule comprend ainsi que le Fukai n'est pas toxique et bien au contraire, purifie les éléments terrestres souillés par l'homme.

Respectueuse de toutes les formes de vie, elle se refuse bien souvent à utiliser la force envers les insectes, essayant sans cesse de comprendre les raisons de leur comportement et désamorçant ainsi les situations les plus délicates. Douée d'une empathie exceptionnelle, elle est même prête à se sacrifier pour éviter la mort d'un jeune Ômu. Elle est capable également de comprendre les motivations humaines et cerne en un regard la personnalité pourtant complexe de la princesse Kushana. C'est ce véritable don d'empathie pour toutes les formes de vie qui fait d'elle le lien manquant entre l'humanité et la Terre. C'est elle l'Elu qui réconciliera ces deux mondes séparés depuis plus d'un millénaire.

Cependant, Nausicaä, sous une apparence idéale, a aussi des failles. Très affectée par l'assassinat de son père, elle cèdera à la colère et à la haine, tuant tous les soldats tolmèques se trouvant sur son passage. Il faudra l'intervention de Yupa pour la freiner.Cette frénésie meurtrière inattendue bouleversera la jeune fille, terrifiée par l'ampleur de son geste. Ce sont ces doutes et ces erreurs qui rendent le personnage de Nausicaä humain et touchant aux yeux du spectateur. La jeune fille est l'Elue, mais elle reste humaine et faillible.

Nausicaä reste cependant un personnage d'exception. Elle n'est mue par aucun orgueil, aucune recherche de pouvoir. Elle recherche avant tout le bien d'autrui et non le sien. Elle porte en elle un véritable message d'espoir pour l'humanité et incarne notre prise de conscience de notre environnement et de son respect.


Yupa

Yupa est le mentor de Nausicaä et le meilleur ami du roi Jill, mais ce n'est pas un habitant de la Vallée du Vent. Il a enseigné à la princesse les armes mais surtout il lui a appris beaucoup sur le monde et sur la nature humaine. Il connaît Nausicaä depuis qu'elle est toute petite et a une immense affection pour elle.

Yupa est un formidable combattant -ses talents à l'épée sont reconnus et redoutés de tous- mais son habileté n'a d'égale que sa sagesse et sa noblesse d'âme. Toujours en voyage, c'est un solitaire. Dans une quête aussi bien scientifique que spirituelle, il consacre sa vie à tenter de comprendre les mystères du Fukai. Il ne s'est pas rendu compte que les réponses se trouvaient en la personne de son élève Nausicaä.


Teto

Teto est le nom que Nausicaä a donné à la petite créature sauvage que Yupa lui apporte au début du film et qu'elle décide d'adopter. Sorte de croisement entre un écureuil et un renard, ce petit animal d'abord farouche deviendra un compagnon inséparable et dévoué à sa douce maîtresse.


Kushana

Kushana est à la tête de l'armée Tolmèque qui a envahi la Vallée du Vent pour s'assurer la récupération de l'arme secrète de Pejite : un Dieu-guerrier. Elle n'a aucune malveillance envers le peuple de la Vallée mais elle est déterminée à ne pas les laisser s'opposer à ses projets. L'empire Tolmèque est peu à peu gagné par le Fukai et Kushana voit en le Dieu-guerrier la solution pour détruire la forêt toxique qui menace l'humanité. Poussée par une haine féroce envers le Fukai et ses insectes à cause desquels elle a perdu son bras gauche, elle sacrifierait n'importe qui ou n'importe quoi pour remplir ses objectifs.


Kurotowa

Kurotowa est le second de Kushana et il se rend bien compte qu'il le restera tant que son brillant supérieur sera en vie. Son indolence (ou peut-être le fait qu'il soit conscient de ses limites) l'empêche de tenter de s'emparer du commandement mais il n'a pas de loyauté particulière envers Kushana et n'attend que l'opportunité de sa disparition pour prendre sa place. Il est difficile de discerner une morale chez Kurotowa. Comme son leader, il pense que la fin justifie les moyens.


Le roi Jill

Jill est le père de Nausicaä et le souverain du petit royaume de la Vallée du Vent. C'est un bon roi qui se préoccupe de son peuple qui l'apprécie. Mais il n'a pas la vision de sa fille et pense comme beaucoup que les Ômu et le Fukai sont une menace qu'il faut combattre (« les hommes et les insectes ne peuvent pas vivre ensemble »). C'est néanmoins un homme courageux : malgré son impotence, il mourra l'épée à la main face aux soldats Tolmèques.


Mito et ses compagnons

Mito est l'oncle de Nausicaä. Ses amis et lui forment une bande de joyeux boute-en-train. Ils ont une admiration et une affection sans borne pour leur princesse. Ils prendront une part importante dans la révolte des habitants de la Vallée contre l'envahisseur Tolmèque.


Ô-baba

Grand-mère est une vieille femme aveugle dotée d'une grande sagesse. C'est elle qui apprend à Nausicaä la légende de l'élu vêtu de bleu, sans se douter que la prophétie désigne sa princesse. Ô-baba est aussi une femme de grand courage. Elle défiera l'envahisseur et n'aura pas peur de les prévenir de l'inconséquence de leurs plans.


Le prince Asbel

Asbel est le prince de Pejite et le frère de Lastel. Sa soif de vengeance le pousse à attaquer les navires de guerre de Kushana. Son chasseur abattu, il sera sauvé par Nausicaä. Tous deux découvriront au plus profond de la « Mer de la décomposition » que l'air est respirable. Asbel sera donc le premier avec Nausicaä à comprendre le rôle du Fukai dans la purification du monde. Sa rencontre avec la princesse lui aura ouvert les yeux et il fera tout pour l'aider à arrêter l'escalade de la violence.


La princesse Lastel

Lastel, princesse de Pejite, fait une apparition aussi courte que dramatique dans le film. Agonisante après le crash du navire Tolmèque sur lequel elle était prisonnière, elle meurt soulagée en obtenant confirmation de la destruction complète de la cargaison et donc du Dieu-guerrier. La ressemblance de Lastel avec Nausicaä (son rang de princesse, son physique et cette ultime préoccupation laissant entrevoir sa grandeur d'âme) n'est pas gratuite. Sa mort tragique nous rappelle que Nausicaä n'est pas immortelle. Cette vulnérabilité rend l'héroïne d'autant plus humaine et attachante.


Nausicaä de la Vallée du Vent : Analyse

Combien il est difficile de parler de Nausicaä, tant le film comme son héroïne sont uniques, hors normes, et tout à fait indispensables. Nausicaä de la Vallée du Vent est passé dans la mémoire collective japonaise. Près de vingt après sa sortie, il est toujours classé dans les sondages parmi les animes préférés des Japonais, chaque ressortie en Vidéo/DVD/Blu-ray atteint les sommets des ventes et la princesse Nausicaä est considérée au Japon comme l'un des plus grands personnages de fiction jamais créés.


Une princesse mythologique et messianique ?

On sait qu'Hayao Miyazaki s'est inspiré de deux mythes pour créer son personnage. L'un est celui de la légende japonaise La princesse qui aimait les insectes. Ce conte japonais du XIIᵉ siècle narre l'histoire d'une jeune fille qui refusait de se teindre les dents en noir, qui ne se rasait pas les sourcils et qui avait la peau halée, allant à l'encontre de la coutume en vigueur à l'époque pour les femmes. Elle ne s'intéressait en fait qu'à la beauté intérieure, et non à la superficialité de l'apparence. Alors que les autres jeunes filles s'intéressaient aux papillons, elle se passionnait pour les chenilles et les chrysalides. On ignore ce qu'est devenue ensuite cette princesse. On retrouve bien évidemment une grande partie de ce caractère chez Nausicaä, qui n'éprouve aucun sentiment de haine envers les Ômu, s'intéresse à l'évolution du , et est prête à se sacrifier pour ces formes de vie que pourtant tous détestent.

La seconde source est tirée de l'Odyssée de Homère. Comparer cette source d'inspiration peut sembler intéressant. Pour les curieux, la princesse apparaît dans le Chant VI et s'évanouit du récit au chant VII. C'est un personnage relativement secondaire mais son histoire peut expliquer l'intérêt de Miyazaki pour ce mythe. En effet, alors qu'Ulysse échoue sur les rivages de Phéacie, Athéna envoie la jeune princesse Nausicaä pour l'accueillir. Elle est la seule à ne pas être effrayée par son aspect repoussant. Elle lui permet d'arriver à la cour, mais ne peut l'accompagner jusqu'à la ville, par peur des rumeurs et des réactions lorsque les Phéaciens découvriront un homme inconnu accompagné de leur princesse. Cette sage décision permet en effet au héros d'être accueilli sans problème par la reine Arété.

Les différences entre les deux personnages sont nombreuses. La Nausicaä d'Homère est une jeune fille qui désire profondément se marier et elle voit en Ulysse l'Homme idéal, soutenue par sa mère Arété. Chez Miyazaki, malgré les accointances avec certains personnages masculins, Nausicaä est seule et condamnée à le rester, car son côté messianique ne peut que l'isoler, faire d'elle un guide mais pas une compagne. Son empathie est trop universelle pour se concentrer sur une seule personne.

Mais les ressemblances existent. Si, chez Homère, Pallas a choisi Nausicaä pour accueillir Ulysse, c'est parce que le peuple des Phéaciens est méfiant de nature, et Nausicaä est probablement la seule à pouvoir secourir le pauvre Ulysse. De plus, elle montre une grande sagesse en laissant Ulysse aux portes de la ville, ce que souligne ce dernier auprès de la reine Arété ensuite, évitant ainsi une arrivée ambiguë aux bras de la princesse. En effet, elle ne semble pas avoir une quinzaine d'années, mais être une femme mûre et réfléchie.

Ensuite, la Nausicaä d'Homère est presque « habitée » par Athéna, qui la guide vers Ulysse. Cette force divine la fait ressembler véritablement à une déesse et intime le respect au naufragé. Cela fait évidemment penser à la réaction admirative que suscite « notre » Nausicaä, auprès des autres personnages, mais aussi auprès de ses admirateurs en « chair et en os », élevée au rang de quasi-déesse.

Enfin, Homère souligne le fait que les Phéaciens sont les plus grands navigateurs de la Méditerranée, maîtrisant les flots et les courants comme personne. Cela me rappelle un peu la Vallée du Vent, en transposant légèrement la technique...

La Nausicaä de Miyazaki puise donc son origine dans deux contes, afin de créer ce personnage hors normes et quasi messianique, bien que Miyazaki réfute toute inspiration religieuse dans le film. Certaines scènes renforcent cette impression de divinité du personnage. Ainsi, la scène où Nausicaä se projette devant le vaisseau de Pejite pour sauver le bébé Ômu est frappante. Pendant quelques secondes à peine, on aperçoit la jeune fille, les bras en croix, offerte aux tirs des soldats, s'offrant littéralement comme cible et comme victime pour empêcher le massacre qui se prépare. Ce geste de sacrifice ultime agit comme une révélation sur le spectateur. Nausicaä évoque irrésistiblement l'image du messie prêt au sacrifice de sa personne pour sauver la moindre forme de vie. La scène finale n'est finalement que l'accomplissement de la prophétie, la révélation de la nature quasi-divine de Nausicaä.


L'alliance magique de l'image et de la musique

Nausicaä est le premier film où Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi collaborent, donnant naissance à un véritable chef-d'œuvre né de l'union magique entre les images et une bande-son époustouflantes. Cette première rencontre entre les deux hommes marque un véritable tournant dans leur carrière respective et la naissance d'une collaboration qui continue encore à ce jour.

Certes, la musique peut sembler parfois un peu datée, très marquée par les années 80 et le synthétiseur. Cependant, certaines scènes du film du film n'auraient véritablement pas la même portée sans la musique de Hisaishi. Ainsi, Miyazaki met en scène le moment où Nausicaä se remémore une scène grâce aux Ômu avec une petite comptine chantée par une voix d'enfant. On ignore encore quelles sont ces images que Nausicaä voit, mais grâce à ces quelques notes simplissimes et cette petite voix mutine, l'ensemble de la scène est teintée d'une nostalgie et d'une douceur inattendues.

Cette même musique revient quelques minutes plus tard, lorsque Nausicaä rêve. On comprend que l'on est plongé dans les souvenirs de la princesse, alors qu'elle n'était qu'enfant. La petite comptine venant accompagner les images, on s'attend à une évocation tendre de son enfance. Mais déjouant les clichés habituels de ce type d'évocation, Miyazaki met en scène au contraire un grand traumatisme : la scène où Nausicaä tente de protéger un bébé Ômu de la folie meurtrière des adultes, dont ses propres parents. Le spectateur ne peut être que bouleversé par la violence des images qui s'oppose à l'innocence absolue de la musique.

Un des autres moments forts du film, alliant musique et image, est probablement la scène finale du film. Nausicaä vient d'être renversée par les Ômu, guidés par leur colère presque aveugle. On la découvre, gisant morte au centre des Ômu, apaisés par ce sacrifice ultime. Ils portent alors Nausicaä vers les cieux grâce à leurs tentacules. Retentissent alors quelques notes, celles de La sarabande de Haendel, revisitées par Hisaishi. Cette musique, universellement connue, semble accompagner la princesse pour sa marche funèbre. Le spectateur est bouleversé devant ce spectacle ultime, convaincu de la mort de l'héroïne de Miyazaki. Puis, le requiem s'estompe peu à peu, laissant place à la comptine enfantine. Cette musique permet de se souvenir de l'épisode de l'enfance de Nausicaä, où elle s'était battue pour sauver un Ômu, petite fille seule face à la folie des adultes. En choisissant cette musique, Miyazaki semble vouloir nous dire que les Ômu offrent donc à nouveau la vie à Nausicaä, comme un geste de remerciement pour tout ce que Nausicaä a fait pour eux, dans le présent comme dans le passé. Ces quelques notes apaisent également le spectateur, après la tension émotionnelle du « requiem », le préparant à la résurrection miraculeuse de la princesse grâce à la force régénératrice des Ômu.


Les idéaux face aux critiques

On a reproché au film de ne pas avoir su retranscrire l'ensemble du manga écrit et dessiné par Hayao Miyazaki. Evidemment, le film n'aurait jamais existé sans le manga. Mais un tel reproche sur la qualité de l'œuvre peut prêter à sourire. En effet, alors qu'il commence la réalisation du film, Miyazaki n'en est qu'à son 2ᵉ volume. Difficile donc pour lui de résumer la série entière, puisqu'elle est bien loin d'être terminée à l'époque de la conception filmique. Dans la bande dessinée, Miyazaki a pu développer un monde, une intrigue, des personnages et construire des interactions avec une profondeur qu'un film de 2 heures ne peut atteindre. Ainsi, beaucoup de critiques ont fait l'erreur de regarder le film Nausicaä de la Vallée du Vent comme un parent pauvre du manga. Pour ne pas tomber dans ce piège, il faut considérer le film comme une œuvre originale et indépendante.

Or une fois ce cap franchi, on s'aperçoit que Nausicaä est sans doute le film le plus important de Miyazaki, celui sans lequel le reste de son œuvre ne peut être totalement compris. Ce magnifique film nous dévoile toutes les passions et les obsessions qui allaient poursuivre le maître dans ses futures réalisations. Il expose les thèmes de prédilection et les archétypes qui seront développés par la suite avec tant de succès. Mais surtout, ce qui fait de Nausicaä un film à part, est ce souffle, cette énergie pure, cette sincérité que Miyazaki a exprimées dans son propos et dans le portrait de son héroïne, incarnation de ce que l'humanité peut avoir de plus beau et de plus noble.

Si ce film apparaît si sincère ce n'est pas dû qu'à l'unique talent de conteur de Miyazaki. En fait, rarement un réalisateur s'était autant confié dans un film. Bien qu'il ne s'agisse pas du premier travail de maître, on peut considérer Nausicaä comme une œuvre de jeunesse. C'est la première fois en effet que Miyazaki a un contrôle artistique total sur un film. Alors plus que pour tout autre film, il y met à nu ses convictions, ses peurs, ses espoirs et ses idéaux. On y découvre entre autres la conception qu'il se faisait à l'époque du marxisme. Nausicaä, comme toutes les héroïnes miyazakiennes, n'agit que pour le bien de l'humanité sans avoir aucune ambition personnelle. Miyazaki n'a jamais caché son aversion pour les grosses structures politiques et les grands régimes étatiques. Le petit royaume de la Vallée du Vent représente ainsi son idéal communautaire luttant contre de plus grands oppresseurs.

Tous les critiques n'ont pas approuvé le discours qu'ils ont cru voir dans le film. Quelques-uns ont été offensés par l'aspect messianique de l'histoire, d'autres s'interrogent sur le côté militant voire manipulateur du récit. Certains encore ont dit que l'histoire promet l'arrivée d'un messie sauveur du monde, seulement pour nous montrer que le monde n'a pas besoin d'être sauvé. Le message serait selon eux que les crises environnementales sont bien mieux résolues en ne faisant rien. Et de conclure que le film manque ainsi totalement de crédibilité.

Miyazaki n'a pourtant jamais prétendu présenter de solutions aux problèmes environnementaux. Il invite à une prise de conscience, il tire en quelque sorte une sonnette d'alarme. Dans le film, quand les hommes luttent contre la forêt, ils risquent d'empêcher la purification du monde et précipitent leur propre destruction. Et leur obstination et leur aveuglement sont symboliques d'une espèce humaine qui a perdu le contact avec les racines mêmes de sa propre existence, au point de se croire capable d'exister sans son écosystème.

Mais Miyazaki englobe dans sa problématique des questions bien plus larges que le simple rapport à la Nature. Au travers des différents personnages avec leurs qualités et leurs faiblesses, c'est la nature humaine qui est observée. Au travers des actions de Nausicaä, c'est une philosophie de vie qui transparaît. Nausicaä de la Vallée du Vent n'apporte évidemment pas de solutions miracle mais amène le spectateur à méditer sur des questions essentielles : comment vivre ensemble ? Comment réagir face à la peur, la colère, la haine des autres ? Comment maîtriser ses propres émotions pour agir avec discernement ? Comment amener les autres à plus de lucidité vis-à-vis des conséquences de leurs actes ?

Nausicaä de la Vallée du Vent n'est pas seulement un formidable divertissement. C'est un film beau, fort et émouvant, qui nous rappelle que le monde nous réservera toujours des moments de grande beauté et que la seule façon de les apprécier est de vivre, d'aimer. Nausicaä est un film somme ; c'est une œuvre qui ouvre les yeux et rend meilleur. Tout simplement.


Nausicaä de la Vallée du Vent : Création du film

Origines

« Il n'y a jamais eu une œuvre d'art qui n'a pas reflété de quelque manière son époque... Nausicaä vient de la façon nouvelle dont on regardait la nature dans les années 70. » Voilà comment Hayao Miyazaki résumait son film dans le magazine Animage en 1993, soit presque une décennie après sa sortie. Dans la même interview, il a confié que le grand manga sur lequel le film est basé était seulement un travail « bouche-trou » : « J'ai commencé à dessiner le manga parce que j'étais sans travail en tant qu'animateur. » L'histoire de Nausicaä de la Vallée du Vent est cependant à l'origine une proposition de film.

Au début des années 80, Tokuma Shoten, la maison-mère du magazine Animage, décide de lancer des projets artistiques sur différents supports. Le rédacteur en chef d’Animage, Toshio Suzuki, propose alors d'accompagner plusieurs projets de films de Hayao Miyazaki.Le premier est Sengoku Majô (Le château diabolique de Sengoku), dont l’univers n’est pas sans rappeler Princesse Mononoke, ou encore les futurs Le château dans le ciel et Mon voisin Totoro.

Sengoku Majô narrait les aventures d’un jeune garçon né à une époque de guerres médiévales qui se retrouvait soudain confronté à des envahisseurs venus d’une autre dimension.

« Une époque où l’on trouve des statues de grands bouddhas laissées à l’abandon dans les hautes herbes. Des paysages dévastés et l’énergie des guerriers du Kantô. Voilà quelques-uns des éléments qui constitueront l’univers de ce film » commentait alors Miyazaki à propos de ce projet.

Différentes machines et autres appareils dont il a le secret seraient également intervenus dans le scénario, ainsi qu’un gigantesque château volant...Le second projet était l’adaptation d’une bande dessinée de l’auteur américain Richard Corben, intitulée Rolf. Elle narre l’histoire d’une princesse protégée par son chien-loup transformé en homme par un magicien. Yutaka Fujioka, président de Tokyo Movie Shinsha, l’avait rapportée d’un séjour aux Etats-Unis parmi tout un tas d’autres et Hayao Miyazaki l’affectionnait particulièrement.

Dès cette phase préparatoire, Miyazaki s’était déjà largement éloignés de l’œuvre de Corben. Les croquis réalisés dans le cadre de ce film montraient de nombreux éléments absents de la version originale : la Vallée du Vent, des vers des sables et le personnage de Yala, reine des goules, déjà proche de la Nausicaä définitive.

En fin de compte, c’est bien Rolf qui servit de base à Nausicaä de la Vallée du Vent en y ajoutant des ingrédients purement de science-fiction, comme la « mer de la décomposition ».

Mais Tokuma Shoten refuse ces deux projets, car selon les producteurs, un film sans œuvre originale ne peut plaire au grand public. Miyazaki décide alors de créer sa propre œuvre originale... Nausicaä, qui est publiée chez Animage sous l’impulsion de Suzuki. C’est ce dernier qui conseille Miyazaki sur le style graphique du manga et lui laisse la possibilité de créer une œuvre aux détails foisonnants et précis, avec une mise en scène complexe et puissante. Le réalisateur impose certaines conditions : il avait une totale liberté sur le choix de l'histoire et il pouvait suspendre ou arrêter le manga dès qu'il retrouvait du travail dans l'animation.

Dans une conversation avec le romancier américain Ernest Callenbach, auteur d'Ecotopia, Miyazaki a expliqué qu'un événement précis a conduit à la création de Nausicaä de la Vallée du Vent : la pollution de la baie Minamata avec du mercure. Parce que les niveaux de pollution rendaient la consommation des poissons impossible, les gens ont arrêté de pêcher dans cette zone. En quelques années seulement, une augmentation considérable des réserves de poissons dans la baie, devenue bien plus riche que partout ailleurs au Japon, a été observée. Miyazaki a avoué que cette nouvelle lui a donné des frissons. Il a trouvé admirable la force et les capacités de réaction et d'adaptation des créatures vivantes.

Les origines du personnage de Nausicaä et de son monde, quant à eux, remontent bien plus loin. Enfant, Miyazaki a lu le conte japonais traditionnel datant du XIIᵉ siècle, Mushi Mezuru Himegimi (La princesse qui aimait les insectes), l'histoire d'une princesse médiévale fascinée par toutes les créatures vivantes et les insectes en particulier. Des années plus tard, en parcourant le dictionnaire de la mythologie grecque de Bernard Evslin, il découvre la princesse Phénicienne Nausicaä, qui a secouru Ulysse dans l'épopée d'Homère. L'image de cette jeune fille de nature douce, joyeuse et sensible a fusionné avec celle de l'héroïne japonaise pour devenir la princesse du petit royaume rural de Miyazaki.

L'écosystème, que cette dernière aime et étudie avec tant d'ardeur, est basé sur des écrits historiques et scientifiques que le jeune Miyazaki a creusés au fil des années. Il en est de même pour le royaume de la Vallée du Vent et les pressions politiques et sociales qu'il subit, inspirés d'ouvrages historiques, politiques et sociologiques.

Parmi les écrits ayant influencé la création de Nausicaä de la Vallée du Vent, on peut citer :

- Les origines de la culture des plantes et de l'agriculture de Sasuke Nakao
- Le monde de Jômon d'Eiichi Fujimori, sur l'ère Jômon (approximativement de 10 000 à 300 avant notre ère)
- Opération Barbarossa de Paul Carell, sur la guerre germano-soviétique
- Les plantes et les hommes d'Akira Miyawaki, pionnier du mouvement vert dans les villes
- La guerre des Gaules de Jules César
- Spartacus de Howard Fast, qui a engendré le dégoût qu'a Miyazaki pour les superpuissances militaires

C'est ainsi que Nausicaä de la Vallée du Vent est s'est bien plus incarnée dans la défense de la paix et de l'environnement que dans ses inspirations grecques et japonaises. De même le monde l'entourant est devenu de plus en plus complexe.


Production

En très peu de temps, le manga Nausicaä de la Vallée du Vent a acquis une telle popularité qu'une version animée peut être envisagée. Pour commencer, Animage suggère de faire un petit film d'une quinzaine de minutes. Hayao Miyazaki impose son ami Isao Takahata comme producteur. De plus, une vidéo de 15 minutes ne lui convenant pas, il propose donc une O.A.V. d'une heure. Quand enfin Tokuma lui offre la possibilité de réaliser un long métrage, le film naît.

Le travail débute le dernier jour de mai 1983. L'animation a commencé début août et le film sort en mars 1984. Dès le début, Miyazaki se met dans une position difficile. Avec seulement 16 chapitres du manga terminés (l'équivalent des deux premiers tomes de l'édition française), il est confronté au problème de construire un film se suffisant à lui-même, avec une histoire complète, et sans trop dénaturer le manga. Pour ce faire, Miyazaki le réalisateur fait l'amalgame de plusieurs éléments de l'histoire de Miyazaki le mangaka : il fait se télescoper quelques détails, il met l'accent sur certains personnages et diminue l'importance d'autres. Il focalise sa narration sur l'invasion de la Vallée du Vent par les Tolmèques. Il a donc désormais son scénario.

Le planning de production de 9 mois (ci-contre, le cahier de production) et le budget de 1 million de dollars sont serrés. Jean Giraud (alias Mœbius), admiratif, les a d'ailleurs mis en contraste avec les gros moyens de la coproduction de Némo duquel Miyazaki s'était retiré. Le travail est d'autant plus difficile que Tokuma n'a pas de studio à mettre à disposition. Miyazaki et Takahata font alors appel à un studio extérieur : Topcraft. Comme résultat de cette collaboration, le fondateur du studio Topcraft, Tôru Hara, rejoindra plus tard la direction du studio Ghibli.

Takahata a participé en tant que producteur, mais à contre-cœur. Miyazaki ne cache d'ailleurs pas que leurs « conceptions pour réaliser un film sont totalement différentes. Si nous discutons ensemble d'un plan de production, nous n'arriverons jamais à nous mettre d'accord. » L'implication de Takahata est pourtant venue d'une requête de Miyazaki. Sachant qu'il n'y avait pas de moyen de production chez Tokuma, et qu'il ne pouvait pas s'occuper de tout seul, Miyazaki demande à Tokuma de persuader Takahata de devenir producteur. « J'ai entendu dire que Takahata-san a finalement dit oui après avoir utilisé un cahier entier pour mettre en place ses idées. Mais je savais qu'en vérité, il ne voulait pas le faire. Un réalisateur ne peut pas produire le film d'un autre réalisateur. Si deux réalisateurs discutent seul à seul, cela se termine en effusion de sang. » Néanmoins Miyazaki a besoin de Takahata, car il connaît sa ténacité, sa détermination et sa faculté à résoudre les problèmes. Sa contribution sera en effet plus que bénéfique pour le projet. C'est par exemple Takahata qui a su persuader le jeune compositeur expérimental Joe Hisaishi de se consacrer à la musique de film. On sait que cette première collaboration sur Nausicaä sera la première d'une longue série.

Quand Nausicaä sort dans les salles, le succès est au rendez-vous. Près d'un million de spectateurs se sont déplacés, ce qui est énorme pour l'époque. Les studios d'animation recommencent à croire en la validité des projets de long métrages et les nombreux prix que le film reçoit apportent la reconnaissance internationale qui manquait à l'animation japonaise. Enfin, grâce à ce succès, Miyazaki et Takahata obtiennent de Tokuma Shoten la possibilité de fonder le studio Ghibli.

Seul point noir à ce tableau : l'édition américaine (mais aussi française) du film Warriors of the Wind. Dévastée par une série honteuse de coupes, l'œuvre de Miyazaki a été privée de ses plus belles scènes pour proposer une version ne conservant que l'aspect action/aventure de l'histoire. La jaquette de la vidéo est significative du manque de respect des éditeurs américains : on croirait la jaquette d'un sous-produits de Star Wars et seule la présence discrète en haut à droite de Nausicaä sur son Moeve permet de deviner de quel film il s'agit. La version française sujette aux mêmes coupes n'est pas en reste avec des titres plus ridicules les uns que les autres : La princesse des étoiles ou encore Le vaisseau fantôme.

Miyazaki et Takahata ont été très choqués par la version américaine : « C'est absolument horrible ! Ils ont enlevé la musique de Hisaishi, changé les dialogues... Nous n'avons pas cédé les droits de distribution aux pays étrangers depuis lors, et nous ne le ferons plus jamais sans un examen minutieux des conditions au préalable. » A cause de ce triste épisode, l'exportation des films du studio Ghibli sera bloquée pendant de longues années.

C'est donc bien plus tard que Nausicaä de la Vallée du Vent a été redistribué en DVD par Disney aux Etats-Unis, dans sa version originale. La France, toujours privilégiée, a eu la chance de découvrir d'abord le film sur grand écran le 23 août 2006.


Art et technique

Bien que l'histoire de Nausicaä de la Vallée du Vent se déroule dans un univers futuriste, des millénaires après notre époque, elle n'est pas destinée seulement à un public amateur de science-fiction. Ses aspects post-apocalyptiques sont indéniables mais ils doivent peu aux sources SF. Le Japon a eu sa propre apocalypse au 20ᵉ siècle et nul ayant vécu la Seconde Guerre mondiale ou étudié l'histoire n'a besoin de s'inspirer des récits de science-fiction pour imaginer les « Sept jours de feu ». Hayao Miyazaki a d'ailleurs dit dans une interview au magazine Comic Box que, bien qu'il ait lu étant jeune un large éventail d'ouvrages de science-fiction, il ne s'est jamais vraiment intéressé aux récits de fiction. Et même s'il admet que des titres comme Nightfall (Quand les ténèbres viendront) d'Isaac Asimov, Hothouse (Le monde vert) de Brian Aldiss et Le seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien lui ont fait forte impression, sa source d'inspiration première reste la nature et la force vitale qui la caractérise. « Je ne m'intéresse pas aux films d'aventure spatiale, puisque dans l'espace, ce n'est qu'obscurité. Toute mon œuvre d'animation et de bande dessinée montre la terre, le ciel et la mer. Tout se rapporte à ce qui peut arriver sur la Terre. »

Dans Nausicaä, la vie animale et végétale apparue sur terre après les « Sept jours de feu » est assez éloignée de celle de notre monde. Mais, malgré une sensation initiale d'étrangeté, sa représentation détaillée et sa cohérence laissent au spectateur une impression de réalité propre. Le Fukai est constitué d'espèces de champignons géants, de gelées et de plantes étranges n'ayant pas d'équivalents terrestres actuels. Cette « mer de la décomposition » peut être considérée comme un être vivant unique qui se reproduit de manière anarchique et endémique grâce à des spores transportées par les insectes et par le vent. Tout ce qui y vit est hautement toxique et néfaste aux formes de vie de l'ancien monde.

Les insectes qui protègent ce milieu hostile sont particulièrement intéressants et nous rappellent le lien de l'héroïne avec la légendaire princesse qui aimait les insectes. Les Ômu sont de magnifiques incarnations de la force brutale de la nature. Néanmoins, leur grande taille et leur puissance sont commandées par une intelligence qui se manifeste aussi bien dans un système social évolué, que dans leurs moyens de communication à distance ou encore dans une attention toute particulière pour les jeunes de leur espèce. Par ces aspects les Ômu ne sont pas sans rappeler les immenses mammifères marins que sont les baleines. Les insectes-dragons volants sont tout à fait étonnants par leur morphologie, leurs mouvements et le son merveilleux et évocateur qui les accompagne.

Le design complexe de ce biosystème n'avait pas été pensé dans le but d'être animé. Cela a obligé Miyazaki et son équipe d'animateurs à développer quelques nouvelles techniques d'animation. Si le réalisateur en général préfère user des méthodes traditionnelles, Nausicaä a demandé une certaine inventivité. Par exemple, pour dépeindre les mouvements d'Ômu comme le réalisateur l'imaginait, il a été nécessaire d'animer la créature en utilisant des couches de cartes superposées pour les différents segments de son corps (ci-contre, Miyazaki travaillant sur le problème).

Les paysages, verdoyants et paisibles de la Vallée du Vent et les terres dévastées et désertes en dehors créent un fascinant contraste. Dans le village englouti que visite Yupa au début du film, des couches de champignons et de poussière créent une atmosphère de mort et de désolation. Pourtant, dans le Fukai, une fois l'étrangeté hallucinogène des couleurs et des formes acceptée, on découvre de la lumière et de la vie partout. La technologie du monde humain est bien terne en comparaison. Les avions et machines de guerre Tolmèques sont gros, vieux et disgracieux. Même les moulins à vent de la Vallée font pâle figure devant les structures crées par la nature.

On voit que les styles artistiques et les modes d'expression sont très similaires d'un peuple à l'autre dans le film. Parce que l'immense guerre, qui s'est terminée par le désastre des les « Sept jours de feu », a réduit presque toute l'humanité à un niveau de croyance et de technologie proche du féodal, il y a peu de variations dans le style ou la forme des objets, que ce soient des vêtements, des véhicules ou des armes.

La musique de Joe Hisaishi, la première de sa carrière pour un film est déjà très aboutie, malgré des moyens plus limités que dans ses prochaines productions. Quelle beauté et quel souffle dans les thèmes d'ouverture et de fermeture ! L'utilisation de synthétiseurs est encore importante mais ces sonorités rajoutent à la singularité de monde de Nausicaä. La bande sonore enfin n'est pas en reste et complète magnifiquement la musique. Les sons étranges mais convaincants de l'environnement surnaturel du Fukai, les éclats de bois, le fracas du métal, le bruit des explosions... tout est parfaitement dosé avec les dialogues et les moments de silence, pour créer une imagerie sonore qui appuie superbement les images sur l'écran.

Plus d'informations encore sur Buta Connection et une Œuvre que je vous conseille à tous vivement. Yann de "Mon Rifts à moi" y avait aussi consacré un article il y a quelques mois et comment il se voyait intégrer quelques éléments du film dans son Background de jeu.