Synopsis :
Dans le futur, les écosystèmes se sont effondrés. Parmi les survivants, quelques privilégiés se sont retranchés dans des citadelles coupées du monde, tandis que les autres tentent de subsister dans une nature devenue hostile à l’homme. Vivant dans les bois avec son père, la jeune Vesper rêve de s’offrir un autre avenir, grâce à ses talents de bio-hackeuse, hautement précieux dans ce monde où plus rien ne pousse. Le jour où un vaisseau en provenance des citadelles s’écrase avec à son bord une mystérieuse passagère, elle se dit que le destin frappe enfin à sa porte…
La genèse de Vesper Chronicles s'étale sur six ans. Kristina Buožytė, réalisatrice lituanienne, et Bruno Samper avaient déjà travaillé auparavant sur plusieurs projets, le plus remarqué étant Vanishing Waves sorti en 2012, que Kristina Buožytė avait réalisé et dont Bruno Samper avait co-écrit le scénario.
Le postulat de Vesper Chronicles est une expérience de pensée sur un futur où la privatisation des organismes vivants serait poussée à l'extrême. Bruno Samper dit s'être notamment inspiré du cas d'une société américaine ayant commercialisé une graine Terminator conçue pour ne donner qu'une seule récolte avant de devenir stérile, ce qui oblige les cultivateurs à en racheter dans le cadre d'une sorte d'abonnement, idée qui lui a paru à la fois passionnante et terrifiante. Cependant, malgré les discours souvent apocalyptiques actuellement tenus au sujet de l'avenir, les co-réalisateurs tiennent à conserver une note d'espoir.
Vesper Chronicles s'inspire de la littérature de science-fiction, mais aussi du conte, le personnage de Jonas étant pensé comme l'archétype de l'ogre.
L'univers visuel du film s'inscrit dans la continuité d'œuvres de science-fiction telles que la "Planète sauvage" de René Laloux dont les co-réalisateurs apprécient l'originalité. Le film se souvient également des univers de Hayao Miyazaki et de Jim Henson. Ils s'inspirent également de références extérieures au cinéma, comme le design, l'architecture ou la bande dessinée. Bruno Samper accumulait de longue date des références visuelles à thème "organique". Dans le domaine du design, ils s'inspirent des courants du bio-design, qui s'inspire de la complexité des organismes vivants pour ses créations, et du motion design.
Les co-réalisateurs élaborent une bible visuelle du film en collaboration avec un artiste-illustrateur lituanien, Vilius Patrauskas, qui est ensuite donnée au directeur de la photographie et au chef décorateur. Le chef opérateur Feliksas Abrukauskas s'inspire de tableaux de Vermeer et Rembrandt pour les ambiances de couleur et de lumière.
On pourrait presque considérer Vesper Chronicles comme de la SF d'art et essai qui propose une histoire et explore un univers qui, si déjà vu, est ici proprement réutilisé.
À même un sol boueux, les mains d’une silhouette frêle s’agitent et pressent de curieux tubercules. Difformes et spongieux, ils sont palpés, pressés, puis rejetés au loin, comme s’il n’y avait plus rien à tirer de ces fruits inconnus. Alors que la caméra s’éloigne de cette action qu’on devine fastidieuse, la silhouette se fait celle d’une enfant, le sol détrempé devient une rizière de fortune, tandis que se dessine derrière elle une vaste superstructure à l’abandon. Ce mouvement du particulier vers le général, du détail vers le tableau, c’est précisément ce qui fait, dès son introduction, la valeur de Vesper, et nous permet de retrouver quelques-unes des plus précieuses spécificités de la science-fiction. Vesper est donc une jeune ado à l'âge indéterminé dans un monde futuriste en déclin où l'humanité a détruit le vivant à force de le triturer génétiquement. Réfugiée derrière des citadelles, une élite vit dans l'opulence tandis que les basses classes doivent leur mendier des semences stériles afin de survivre. Car manger à sa faim n'est pas possible, plus de plantes comestibles, plus d'animaux sinon des insectes mutants et des vers qu'on broie pour donner du goût à la soupe.
Vivant dans une forêt hostile avec un père alité ne communiquant que par le biais d'un drone robotique, Vesper ne peut même pas compter sur son oncle, propriétaire voisin qui utilise ses enfants (pondu à la chaîne par ses multiples femmes) comme marchandise, échangeant leur sang contre des semences de la citadelle. Ce dernier aimerait d'ailleurs bien que sa nièce accepte ce rôle glauque de "pondeuse".
C'est dans ce monde hostile que Vesper finira par porter secours à Camélia, une jeune femme venue de la citadelle s'étant crashée avec son véhicule et qui pourrait bien lui offrir un avenir meilleur loin de sa forêt sans vie.
On est à milles lieues de la bande-annonce qui faisait penser à un film d'aventure pour ado un peu générique.
Bienvenue dans notre monde merdique et glauque avec des plantes génétiquement modifiées partout et où l'humanité a développé sa technologie vers un feeling biopunk entre hacking du vivant et machinerie organique. Poisseuse et humide, avec des champignons mortels et des plantes tueuses, l'esthétique du film pourrait rappeler un mix entre Cronenberg et Del Toro. L’univers du film a vu la nature se métamorphoser suite à une impulsion humaine, jusqu’à devenir un ensemble végétal prédateur pour qui ne parvient pas à décoder ses habitus et appétits. Créations numériques, modèles réduits, incrustations, perspectives forcées, jeux sur la photographie et le son... les cinéastes déploient une inventivité de chaque plan pour nous raconter ce monde en pleine métamorphose. Par contre pour les lumières jaunes-verdâtres faut plutôt aller voir du côté de Jeunet et Caro avec une légère inspiration "Cité des enfants perdus". Que du bon, en somme et ce n'est pas fini, car le film brasse énormément de référence. On y croise tantôt du Mad Max Fury Road, du BLAME!, du Gunnm bien entendu, mais vous risquez d'être surpris par la réinterprétions de ces influences. L'une des forces du film et de présenter un monde contrôlé et géré par des superpuissances planquées sous des dômes dont nous ne voyons la couleur qu'à la fin du film. Vesper va patauger dans les marécages au milieu de sapins mort pendant tout le métrage et jamais le récit n'élèvera à de plus grandes aspirations son intrigue.
Pourtant, on ne saura pas grand-chose de la catastrophe qui a provoqué la quasi-disparition de l’espèce humaine, dont les derniers représentants se divisent entre survivants condamnés à récolter les maigres baies d’une nature mutante et quelques privilégiés reclus dans une cité à la technologie protectrice. Et jamais le scénario n’aura à expliciter ou caractériser trop avant les mécaniques de ce monde, puisque c’est à la narration visuelle d’assumer la charge de nous faire croire à cette vision à la fois naïve et cauchemardesque de notre futur. Vesper Chronicles jongle dans son monde de SF entre moments de pures poésies et horreur morbide plongeant le spectateur dans le malaise tout en restant à auteur de personnage. Même quand viendra le moment pour Vesper d'agir pour changer les choses, cela se fera toujours de manière incertaine et avec beaucoup de difficulté. Elle est une héroïne brillamment interprétée qui dans toute son adversité va peut-être à un moment finir par réussir à sortir de son horrible trou. Ou pas.
Pas d'aventure épique, juste du drame humain du quotidien dans un monde futuriste délabré dont on ne saisit pas tout. Dès les premières minutes on nous présente les Pèlerins, des gens tout de noir vêtu et voilé qui marchent dans une direction inconnue sans jamais revenir, en traînant derrière eux de la ferraille. Ils sont un décor ajoutant du corps à l'univers froid et silencieux de Vesper. Leur utilité à l'intrigue sera nulle, à l'image des échassiers de Fury Road, ils créent de la mythologie.
Dans le genre du Post-apo, Vesper Chronicles change pas mal des poncifs en livrant un récit intimiste au cadre serré dans un monde sinistré mais pas tout à fait mort. L'humanité pauvre, campée par des acteurs bourrés de talents, survit comme elle peut dans un environnement sale et hostile où la flore a évolué vers une fusion entre machine et végétal. C'est prenant et immersif, ça délivre son récit sans faillir en étant immergé dans un propos palpable à chaque plan sans en être lourd pour autant.
Vesper Chronicles offre un récit de science-fiction ambitieux graphiquement, émouvant et inventif, loin des budgets pharaoniques des blockbusters nord-américains. Autant d'ardeurs qui explosent à l'image, parfois jusqu'à la sidération.
Moi ce film m'a évoqué à la fois le film la Route, d'étranges communautés comme les échassiers dans Mad Max Fury Road, les Jugs de Vesper me rappellent d'un certain côté les Marigans de Junk Head, créatures conçues artificiellement pour servir d'esclaves soumis à leurs maîtres, la flore étrange qui peuple la forêt a un petit quelque chose qui m'a évoqué Dark Crystal, et bien évidemment je pense à Millevaux, une forêt omniprésente et dangereuse où vivent des communautés de survivants aux mœurs sordides, mais un Millevaux qui aurait encore plus mal tourné, car ici, il n'y a pas d'espoir, pas de fertilité, la Citadelle pourrait être une cité où demeure une élite qui vénère Shub Niggurath, seule détentrice du savoir faire nécessaire pour recréer une fertilité, mais une fertilité impie. Les sous-sols de ce monde pourraient être ceux de Junk-Head, refuge sans fond pour toutes les créatures génétiquement crées devenues obsolètes et qui y trouveraient le salut... Bref de nombreuses possibilités d'aventures s'offrent à nous autres joueurs de Jdr avec ce film, sous un prisme Millevaux ou non. J'imagine, pourquoi pas, un monde Terra-formé de l'humanité et coupé du reste de la galaxie par une tempête Warp, le monde a dégénéré avec une science corrompue et ses derniers adeptes se réfugiant dans des citadelles pour pratiquer leurs cultes chaotiques et leurs expériences déviantes, les souterrains de Junk-Head seraient une sorte de cité ruche inversée comme celle de Helsreach et autour, une nature dangereuse et une terre stérile pour que l'homme puisse y cultiver, élever ou chasser de la nourriture, les animaux eux-mêmes ne pouvant s'y nourrir et se reproduire. Et si les scientifiques à l'origine de ce système soient ceux du Projet Manhattan ? Bref vous voyez, le genre de petit bijou cinématographique qui ouvre large le champ de l'imagination et qui propose des tonnes de matériaux à récupérer pour vos mondes apocalyptiques. Mais il y a de l'espoir, car un scientifique renégat a trouver la formule pour débloquer la fertilité des graines, en fuite et pas forcement bien intentionné, toutes les factions de ce monde peuvent être à sa recherche ou tomber dessus de manière inopinée... (Diverses sources m'ont aidé à rédiger cet articles)
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