vendredi 13 avril 2018

Pour mieux comprendre, lisons le Président

Je reviens encore un peu dessus parce que cette semaine j'ai du mal à penser à autre chose (à part le boulot).

Pour mieux comprendre, le mieux c'est de lire Sébastien Ruchet le Président de Nolife dans ce Post sur le Forum de la Chaîne (tant qu'il existe encore).




"Ah, ça y est, le moment des critiques commence. Bien sûr, Nolife a dû s'arrêter, au bout de 11 ans... Mais je sens que les spéculations sans fondement vont m'agacer.

Je vais donc faire un résumé de ce qui s'est passé avec les chiffres en main.

Les causes de l'arrêt de Nolife sont, dans cet ordre d'importance : la TNT, la crise, et la lente mais inéluctable mutation du secteur télévisuel.

Nolife est ce qu'on appelle une chaîne thématique, c'est à dire spécialisée. C'est aussi ainsi que l'on appelle toutes les chaînes qui n'émettent que sur le câble / sat / adsl.

Au niveau des audiences, vous savez que Mediametrie n'a mesuré la diffusion sur ADSL qu'à partir de 2010. Sans cet outil statistique, pas de vente de publicité possible à grande échelle.

Bien sûr on a essayé de vendre de la pub avant cela, y arrivant quelques fois mais trop peu.

Oui, cela a été long et difficile d'attendre que l'audience de l'ADSL soit mesurée.

Mediametrie est une société qui est détenue par les acteurs du marché, autant les diffuseurs que les chaînes. Les décisions prises sont donc le fruit d'un consensus et de débats parfois longs. Pour la mesure de l'ADSL, qui aurait pu intervenir plus vite, de ce que j'ai entendu c'étaient les diffuseurs qui poussaient pour son intégration et les chaînes hertziennes historiques qui rechignaient, de peur de voir leur audience diminuer. Bref, il y a donc des raisons pour lesquelles cela prend du temps.

Une vérité sur la mesure statistique de l'audience est que le résultat dépend en très grande partie du numéro de canal. Plus il est bas, plus les gens peuvent zapper sur la chaîne.

Nolife a eu la chance de commencer sur Free sur le canal 32, ce qui est un chiffre très bas (donc très bon). Et les premières mesures d'audience ont été assez fantastiques. Il y a eu des réajustements par la suite, et des baisses... Suivant l'augmentation du numéro de canal, en fait. Mais globalement, il est faux de dire que Nolife a eu un problème d'audience ou que la musique japonaise était un souci pour l'antenne.

Aujourd'hui encore, je croise des gens du monde de la télé thématique qui m'avouent avoir été très envieux de nos résultats.

Pourquoi est-ce que je ne donne pas de chiffre ? Parce que c'est un vrai métier de les interpréter, et que de fausses idées s'installent très vite.

Je peux vous dire que des centaines de milliers de personnes ont suivi de manière fidèle nos émissions. Que les espaces publicitaires de Nolife ont été vendus en "premium" aux annonceurs.

L'audience de Nolife a, globalement, toujours été très mixte, quasiment moitié moitié. Et elle avait aussi l'avantage d'avoir été fortement concentrée sur une génération, les 15-34 ans, qui a suivi la chaîne, devenant plutôt 25-49 sur la fin...

C'était un gros plus pour les annonceurs, et cela a permis d'obtenir de belles campagnes de pub. Pour info, le plus gros annonceur de Nolife a été l'Oréal, en 2013. Mais bien sûr c'étaient loin d'être les seuls.

Sur les problèmes, maintenant.

La TNT a chamboulé beaucoup de choses dans le milieu de la télé. Elle a pris beaucoup d'audience aux chaînes hertziennes, mais aussi aux thématiques. Au final, les thématiques représentaient une part d'environ 10% du marché de la pub télé (toutes les chaîne thématiques confondues, hein), diminuant de 0,1 à 0,2% tous les 6 mois. Dur.

Bien sûr la TNT date d'avant Nolife. Mais l'apparition de nouvelles chaînes sur la TNT fin 2012, c'était encore un choc à encaisser pour le cab/sat/adsl.

On a vu à ce moment pas mal de marques lâcher complètement les chaînes thématiques pour annoncer uniquement sur la TNT.

Ensuite, il y a la crise. En 2014. Diminution drastique des budgets publicitaires : forcément, le budget marketing est toujours le premier à être diminué.

On l'a vécu alors même qu'on était enfin installés sur le marché de la pub télé, et comme vous avez pu le voir, ça a fait mal.

Enfin, il y a la lente mais inéluctable mutation du secteur. C'est un peu comme la presse, mais beaucoup moins visible, en fait.

Avec la presse, tout le monde voit que les petits journaux s'arrêtent, mais en télé, il y a beaucoup de rachats, de concentration, et peu d'indépendants qui arrêtent.

Mais évidemment toutes les chaînes souffrent des problèmes suscités. Même les chaînes de la TNT, qui fonctionnent avec des gros budgets, auraient beaucoup de mal à s'y retrouver.

Cette mutation, c'est la concurrence du numérique sur le marché publicitaire, surtout Facebook et Youtube.

Et aussi les nouveaux usages, comme le rattrapage des émissions en replay (noco en faisant bien sûr partie), ou encore Molotov. De ce qu'on a su, on a réalisé d'excellents scores chez Molotov.

Mais ni le replay (hors celui des boxs dans un certain délai, ce qui n'est pas notre cas) ni Molotov ne sont comptés dans les résultats d'audience. Cela n'aide donc pas, et Nolife n'avait pas la trésorerie pour tenir le temps que des évolutions technologiques de Médiamétrie permettent de prendre cela en compte.

Quand je résume le fond de ma pensée pour parler de l'arrêt de Nolife, je dis que la télévision gratuite est devenue trop difficile.

Il est devenu impossible pour une chaîne thématique indépendante de vivre de la pub télé, même en serrant les budgets au maximum, et malgré la présence en renfort de l'option d'abonnement en ligne (NO / noco).

J'espère que vous comprenez mieux le contexte.
"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire