mercredi 3 juillet 2019

Bande Dessinée - Negalyod

Je me suis tombé d'une traite cette excellente BD de Vincent Perriot : Negalyod. Un monde futuriste et post-apocalyptique avec des dinosaures, déjà le background m'intéresse et les dessins ont attiré mon regards avant l'achat, un petit quelque chose de Moebius. Mais pas que...




Synopsis :

Un monde sillonné de tuyaux gigantesques et peuplé de dinosaures… Des villes qui flottent dans le ciel et recouvrent de leurs ombres les faubourgs grouillants d’une humanité industrieuse… Et un « réseau » omniprésent qui domine les terres et les hommes.

Jarri Tchepalt est un berger du désert de Ty. Il parle aux dinosaures et maîtrise l’art des cordes. Quand un camion générateur d’orage anéantit son troupeau, Jarri décide de partir en ville – pour la première fois – afin de se venger... Mais révolte et révolution ne mènent pas toujours là où on croyait.

Ce qui reste de l’humanité survit rassemblé autour des nœuds du réseau planétaire d’aqueducs. C’est là que l’eau nécessaire à toute vie est transportée et distribuée. Ailleurs, le désert s’étend à perte de vue et seuls quelques bergers osent affronter la plaine et le soleil. Il faudra un drame – le massacre de son troupeau -, pour que Jarri Tchepalt ose s’aventurer dans ces agrégats urbains. Il vient se venger de ceux qui ont tué ses bêtes.

Les années quatre-vingts sont de nouveau à la mode et Vincent Perriot les a bien potassées. Pour Negalyod, thriller d’anticipation à grand spectacle, il a largement puisé dans l’imagerie populaire de cette période. Bande dessinée, cinéma, il a pioché ici et là un peu partout pour habiller son travail.

Récit non pas «post-apocalyptique» mais plutôt «post-effondrement», Negalyod emprunte ses thématiques aux meilleures œuvres de science-fiction. Vincent Perriot a l'ambition d'inscrire son récit dans le sillage de Mad Max, de Dune d'Herbert, sans oublier un soupçon de western, une pincée de Jérémiah et beaucoup de Moebius ou encore des courants de la science-fiction écologique des années 70 tels Silent Running ou Soleil Vert. Les amateurs de références seront sûrement ravis de retrouver quelques morceaux de leur jeunesse. En plus, il y a des dinosaures ! Blague à part, force de constater que l’ambitieux scénario regorge de poncifs. Heureusement pour le lecteur, l'auteur les manie avec efficacité et une certaine maestria .

En effet, si le fond est plutôt convenu, la manière est pleine d’énergie et de moments de bravoures remarquables. Scènes d’action à couper le souffle, décors – villes en déliquescence, nature décharnée – monumentaux, le dessinateur a sorti les grands moyens et rend une copie impressionnante. Les spécialistes remarqueront sans peine les nombreuses influences et emprunts à des œuvres existantes. Plus que réellement gênantes, celles-ci sont parfaitement intégrées au flot narratif et dénote surtout de l’appétit et la volonté graphique de l’artiste.

Negalyod, œuvre aussi impressionnante qu'elle est belle, n'a pas peur d'afficher une nouvelle fois la maestria graphique de son jeune auteur. La quête initiatique de son héros, Jarry, se frotte aux grands espaces d'un monde imaginaire que Perriot avoue avoir créé au fil de ses voyages, entre la Turquie, la Grèce, le Rwanda, l'Inde ou encore l'Afrique.

On remarque ici que le vieux monde technologique a disparu. Nulle trace de fer, d'acier... Pas de béton, pas l'ombre d'un quelconque parpaing de ciment... Les décors, tentes, rues, immeubles, gratte-ciel et autres vaisseaux volants de cet univers fortement lié à la glaise et aux éléments primordiaux que sont l'air, le vent, le ciel ou le sable, attestent qu'après l'effondrement de l'Humanité, il semble que les humains aient reconstruit leur société sur des bases plus saines.

Hélas, le ver étant dans le fruit, l'hybris a ressurgi de la boîte de Pandore. Cette démesure, qu'elle soit spatiale, architecturale, ou politique, Vincent Perriot la met en scène avec une fluidité et une beauté qui force l'admiration.

La preuve, l'auteur a accepté de décrypter une case BD spéciale, en cela qu'il s'agit d'une planche double sans parole, située pages 74-75 de cet album de 208 pages.


Comme le précise Vincent Perriot, «cette fresque fourmille de détails. On y découvre des villes suspendues, de vaisseaux volants, des lignes de force entremêlées. J'avais envie de créer un «Effet waouh!», qui puisse couper le souffle au jeune héros.» Vincent Perriot Casterman


«Cette double planche muette, sans bulle, j'en avais besoin pour imposer à la fois au lecteur, mais également à mon héros, un moment de stupéfaction, analyse Vincent Perriot. Jarry, mon héros berger, a rencontré un personnage nommé le grand Kam.»

Ce guide révolutionnaire, à la blanche barbe, emmène notre protagoniste principal vers une hauteur, d'où ils pourront embrasser la grande ville d'un seul regard. «Le paysage que découvrent ces deux personnages, inscrits en tout petit dans le coin droit de la planche 75, est monumental, poursuit-il. Il est limite trop grand pour le héros. Cette fresque fourmille de détails. On y découvre des villes suspendues, de vaisseaux volants, des lignes de force entremêlées. C'est un spectacle organique, presque charnel qui crée un effet de sidération. En fait, j'avais envie de créer un «Effet waouh!», qui puisse couper le souffle au jeune héros.»

La case surgit ainsi au détour d'une page d'attente, et l'impact en est décuplé. «Le dessin ne ment pas, reconnaît le dessinateur. Les gens sentent que j'ai passé du temps à concevoir cette double planche.» L'une des premières choses que l'on discerne dans cette planche, ce sont la prolifération des tuyaux. Comme le précise la phrase inscrite en quatrième de couverture: «Le réseau maîtrise l'eau. Le réseau maîtrise l'homme.»

Les canalisations, et autres pipelines ressemblent aux veines et artères d'un corps humain, irriguant la ville de ses fluides vitaux. «Les maîtres de cette société future ont le désir de canaliser l'eau, indique l'auteur. Et cela passe par cette forêt de tuyaux. Ils veulent fluidifier les choses, maîtriser les transferts d'énergie, mais ils finissent par emprisonner les gens.»

Sur le plan architectural, Perriot avoue s'être inspiré de l'œuvre du photographe allemand Karl Blossfeldt, qui fut l'un des premiers à immortaliser des formes et des structures végétales fondamentales, en les photographiant au macro-objectif. Son herbier photographique a servi à Vincent Perriot dans la conception de certains bâtiments de cette planche.

«J'ai par exemple imaginé l'immeuble en forme d'ananas à partir d'une de ses photos de bourgeon. On sent d'ailleurs que la plante est prête à éclore, explique-t-il. J'ai mélangé cela avec l'esthétique de certaines architectures du Moyen-Orient, ou d'Afrique comme des édifices Dogon... La géométrisation de cet univers du vivant rend la planche bouillonnante de vie..

Au centre de cette case géante, on trouve une petite plante encapsulée dans une structure en forme de bulle vitrée. Comme une sorte de flammèche, qui ressemblerait au flambeau de la statue de la liberté. «Une plante enfermée dans une bulle de verre, cela ressemble à la liberté emprisonnée, remarque Vincent Perriot. C'était pour moi, un peu une sorte de métaphore pour critiquer une sorte de muséification de la nature. L'homme, une fois qu'il a mis sous cloche quelques plantes, s'estime libre de tout détruire à côté.»

On remarque également que les vaisseaux volants sont étrangement dotés de voiles. «J'ai voulu concevoir mes engins volants comme des navires en bois, avec des armatures légères, précise l'auteur. Il s'agit en réalité de deux bateaux océaniens renversés, et accrochés l'un à l'autre. Il y a bien sûr une forme de rétrofuturisme dans ma démarche créative.»

Enfin, les couleurs participent également à la beauté de cette double planche. «C'est la coloriste Florence Breton qui les a faites, se réjouit Vincent Perriot. Elle a déjà travaillé avec Moebius, notamment sur le tome 4 de la série Les Mondes d'Aedena, un album intitulé Stel. Elle a eu le talent certain d'aller donner une teinte, une originalité à mon futur. Elle y apporte une nouvelle lumière, ainsi qu'une sorte de profondeur. Elle donne une belle matière à chaque édifice, et surtout, elle fournit des indications d'espace. Elle a réussi à sublimer mon dessin, à le clarifier alors qu'il fourmille de détails. Je sais que beaucoup de coloristes s'y seraient perdus! Elle, non.»

En tout cas j'ai adoré et c'est tout à fait le type d'univers que je pourrais intégré dans le notre pour définir une partie de la Terre dans le futur, Amérique ? Afrique ? Australie ? A voir où situer cela dans le Reboot de mon univers de jeu que je suis en train de définir.

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