mercredi 6 janvier 2016

Film - The Warriors / Les Guerriers de la Nuit

Quand on jouait à Zone, l'une de nos principales inspirations était bien évidemment The Warriors / Les Guerriers de la nuit. C'était l'un de ces films qui étaient très populaires lorsque les K7 vidéos étaient populaires et que les magnétoscopes commençaient à équiper tous les foyers. Mes potes et moi l'avons vu des milliers de fois (j'exagère un peu) et il reste l'un de mes films préférés de tous les temps. En le regardant aujourd'hui, je trouve qu'il résiste incroyablement bien. Après plus de 30 ans et ses jeux vidéo (ou inspirés), figurines d'action et séries de bandes dessinées, il a définitivement gagné sa place dans la culture pop. Réalisé par Walter Hill en 1979, c'est comme une bande dessinée d'action avec des gangs et en direct. Combien d'entre nous n'a pas fantasmé sur les Baseball Furies à l'époque. Pour ceux d'entre vous qui ont vécu sous un rocher, l'histoire est simple. Cirus, le chef du plus grand gang de New York, a déclaré une trêve des gangs et invité tous ces derniers à envoyer des représentants à une réunion où il dévoilera son plan de prise de contrôle de la ville. Les Warriors, menés par leur chef Cléon, se rendent à cette réunion mais lorsque Cirus est tué d'une balle, les Warriors sont accusés du crime et doivent lutter, durant tout leur chemin de retour à travers la ville, pour regagner leur territoire de Coney Island. Tous les gangs de NY ont été alertés de leur "crime" par le plus grand gang, les Gramercy Riffs. Avec son tournage à petit budget et ses scènes de combat réalistes, c'était une histoire d'aventure épurée avec un principe simple : rentrer à la maison à Coney Island. Le réalisateur a eu l'intelligence de donner à chacun des guerriers (et aux gangs qu'ils rencontrent) des personnalités et des motivations distinctes. Vous êtes pris à les encourager à réussir tout en méprisant les vrais coupables qui ont initialement placé la cible sur le dos des Warriors. Cela mène à une fin très satisfaisante et peut-être à la meilleure chanson "In the City" que Joe Walsh ait jamais sortie. La fin est également douce-amère car bien que les Warriors aient survécu, ils sont de retour là où ils ont commencé, c'est à dire, nulle part.




The Warriors est tout d’abord un roman publié en 1965 par l’écrivain Sol Yurick (né en 1925), qui s’est inspiré d’une histoire grecque écrite au 4e siècle avant Jésus Christ par Xenophon. Le scénario est en effet une relecture de l’Anabase de Xenophon. Ce texte ancien racontait le périple de 10 000 mercenaires grecs au service Cyrus le Jeune. Cyrus perd la vie à bataille de Counaxa. Nos mercenaires vont alors devoir faire plusieurs milliers de kilomètres dans un territoire hostile pour regagner le Bosphore. L’introduction voulue par Hill dans le Director’s cut fait directement référence à cet écrit mythique. Le film qui nous montre les Warriors qui doivent traverser la ville après avoir perdu leur chef est une déclinaison intéressante du texte original. Yurick a déclaré avoir été très déçu par le film de Hill, à qui il reprochait d’avoir changé de héros, d’avoir rendu le film sentimental et moins violent que le livre. Pourtant, la violence présente dans le film suffit amplement à le rendre intense. A ce sujet, d’aucuns ont dénoncé ce qu’ils considéraient comme un traitement irresponsable de la violence par Walter Hill; celle-ci est très graphique, esthétique. La musique très seventies fait corps avec les images de bataille pour former une espèce de ballet. Même s’il est vrai que, dans le film de Walter Hill, l’on ne perd pas de dents ou l’on ne se retrouve pas avec le nez cassé lorsque l’on se prend un coup de batte de base-ball... mais cela vaut pour la plupart des film d’action! Et lorsque le film est sorti, après l’interdiction précitée, on n’a pas constaté de recrudescence de phénomène de bande, malgré les critiques contre le film, lui repprochant une soi-disante glorification de la violence. Quant à la soi disant inanité de l’œuvre, quelle importance que le scénario ne brille pas par sa complexité, puisque le film pullule de scènes d’anthologie. Ici, la forme prime sur le fond.

Tout d’abord, lors du générique de début, au rythme d’une musique rock incroyablement entraînante de Barry De Vorzon, on voit les différents émissaires de chaque bande se rendre à la convention, les Blackjacks, Electric Eliminators, Firetasters, Moonrunners, Saracens, Zodiacs. Tous revêtent un uniforme distinctif, tous sont plus inquiétants les uns que les autres! Ces images sont entrecoupées par des plans où l’on voit les membres des Warriors discuter deux à deux de la convention à venir; l’effet est saisissant, le spectateur attend la réunion de tous les gangs avec appréhension…(ça ne peut pas bien se passer, les personnalités sont trop fortes!).

La convention: Cyrus est aussi charismatique que Marlon Brando jeune dans le film de Joseph L. Mankievicz, Jules César (1953)!

La scène de poursuite avec les Baseball Furies: Quatre Warriors, Swan, Snow, Ajax et Cowboy, se retrouvent à la sortie du métro nez à nez avec neuf Baseball Furies, habillés en joueurs de base-ball, le visage peint en couleur, une batte à la main. Les Warriors s’enfuient, talonnés par les autres. Fin stratège, Swan indique à Snow de se cacher avec lui derrière un arbre, Ajax et Cowboy servant d’appâts. Les Baseball Furies, qui n’ont rien remarqué, continuent à courir. Ils seront ensuite pris en sandwich par les quatre Warriors!

Le territoire des Lizzies: Comme les sirènes attiraient les malheureux marins vers leur perte (référence à la mythologie grecque!), les Lizzies emmènent trois Warriors, Cochise, Vermin et Rembrandt chez elles pour se payer du bon temps. Sur l’air Love is a Fire, interprété par Genya Raven, certaines d’entre elles se mettent à danser lascivement, tandis que d’autres, peu farouches, enlacent Vermin et Cochise, sous l’œil méfiant de Rembrandt. Soudain, les Lizzies sortent leurs armes; qui un couteau, qui une arme à feu, pour punir ceux supposés avoir tué Cyrus! Les 3 garçons arrivent à s’enfuir en réalisant avec horreur que toutes les bandes veulent leur peau!

Les intermèdes de D.J.: Un disc jockey dont on ne voit jamais que la bouche commente l’action (à l’instar du chœur antique!). Elle passe des disques en encourageant, d’une manière codée, les différents gangs à retrouver... et éliminer les Warriors!

La bataille dans les toilettes pour hommes du métro: Elle se déroule entre les six Warriors restants et une bande dont le leader est monté sur des rollers, à grand renfort de couteaux et chaînes de vélo!

La scène finale sur la plage: Alors qu’ enfin rentrés chez eux, les Warriors s’apprêtaient à se battre à mort contre les Rogues, les Gramercy Riffs arrivent pour châtier les véritables coupables du meurtre de Cyrus (un témoin a parlé). Masai, membre des Gramercy Riffs, fait un geste pour que ses troupes laissent passer les Warriors, comme la mer rouge s’est ouverte en deux, les combattants se divisent... avant de se refermer sur les Rogues!

Un autre point au début du film nous montre un leader des bas quartiers, Cyrus, sorte de Spartacus qui appelle les bandes à une trêve pour former une armée capable de renverser l’establishment. Mais il se fera assassiner par Luther, leader d’un gang blanc qui accusera The Warriors, l’un des rares gangs pluriethniques du film. Le meurtrier est filmé au téléphone plusieurs fois avec un interlocuteur dont ne connaîtra jamais l’identité. C’est un détail de scénario, mais par ce biais, Walter Hill sous-entend que le meurtre de Cyrus aurait été commandité par la mafia ou les politiques. C’est l’histoire même des USA qui est suggérée ici. Celle d’un pays où les présidents et les leaders noirs se font assassiner, portrait d’une nation fracturée où les lobbys font leurs lois. Le film est enfin une œuvre de résistance quasi prophétique annonçant la politique conservatrice d’un Rudolph Giuliani qui ne fera pas disparaître les problèmes sociaux de la ville, mais les rejettera au-delà de Manhattan. Hill invitait dans son film à la résistance, mais montre aussi combien il est difficile de s’unir contre un même ennemi.

Pour un simple métrage d‘action, The Warriors est une œuvre qui égratigne de façon intelligente notre société. À ce titre, le film connut des problèmes avec la censure française qui y voyait un brûlot révolutionnaire prêt à embraser nos banlieues. The Warriors multiplie les uppercuts au sens propre comme au figuré contre une société repliée sur elle-même.

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