vendredi 20 janvier 2023

Réflexion autour de nos campagnes, du FKR, des règles Old-School...

L'autre jour, je suis tombé sur ce Post d'un Blog "futile et sans prétention" qui m'a intrigué, et je me suis un peu reconnu dans cette manière de faire. Faisant mes petits trucs dans mon coin et ne me souciant que peu de l'actualité rôludique et de ce qui agite ou non la communauté, je découvre le FKR.

Le FKR (Free Kriegsspiel Revolution) est un mouvement qui cherche à récupérer les racines du pré-D&D. Ce phénomène s'est retrouvé fortement boosté par la sortie du documentaire Secrets of Blackmoor (https://www.secretsofblackmoor.com/), porté sur le co-créateur de D&D et en essayant de reconstruire la façon dont Arneson dirigeait son jeu. Pour rendre les choses encore plus difficiles, il a ajouté qu'il n'avait jamais divulgué les règles qu'il utilisait de manière non équivoque.




Norbert Mataush, du blog (sur invitation) Darkwom Colt, propose une autre nomenclature : Free Kriegsspiel Revolution. Et il est l'un des principaux agitateurs de cette communauté, avec un groupe Discord et un jeu FKR qui en est déjà à sa 8ème édition, qui est The Landshute Rules : http://darkwormcolt.blogspot.com/p/landshut -règles .html

Il fournit également plusieurs possibilités concrètes d'utilisation des règles dans différents scénarios. Le blog fourmille de réflexions extrêmement précieuses pour (re)penser le RPG à partir de ce nouveau (ou ancien) paradigme.

Mais quelle est la raison de ce nom germanique, Krigsspiel ? Krigsspiel est le terme allemand pour wargames. Et, fondamentalement, tout au long de son évolution, il s'est ramifié en deux modes : les wargames rigides/stricts et ouverts. Les rigides sont compétitifs, ce qui suppose un caractère compétitif et des règles prédéfinies, après tout, il faut pouvoir déterminer le vainqueur de l'affrontement.




Mais, finalement, cette proposition de jeux de guerre ouverts apparaît (initialement proposée par Julius von Verdy de Vernois dans les années 1870), car les officiers de l'armée prussienne ont constaté que, dans une guerre, il est impossible d'agir uniquement selon des règles prédéfinies. Il faut savoir improviser et réagir aux circonstances dynamiques du champs de bataille. D'où l'idée d'un Arbitre, chargé d'agir en tant que partie neutre et de statuer, en temps réel, sur le déroulement des actions entreprises par l'officier en formation.

Le Jdr est le fruit des jeux de guerre ouverts. C'est justement ce dynamisme et cette improvisation qui ont permis, finalement, le changement d'échelle, le "zoom avant" vers un seul personnage.

Dave Arneson, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, était un joueur du jeu Braunstein, dirigé par le major Weseley (debout à l'extrême gauche sur la photo ci-dessous), qui est, selon le co-créateur de D&D, le créateur du Jeu de rôle . Le thème du jeu de Weseley était la période napoléonienne, qui était très populaire à l'époque.




Bien sûr, les influences ne sont pas si directes. Il y a le jeu de guerre Strategos, directement inspiré des jeux de guerre germaniques et qui fut l'un des principaux responsables de l'apport des influences de cette tradition aux États-Unis.

Bien sûr D&D, même dans ses versions modernes, est un Jdr. Mais, dans sa première version (OD&D, sortie en 1974), D&D se propose comme un squelette de ruptures et incite même les gens à combler les lacunes et à réinterpréter les règles comme bon leur semble.

Cependant, dans les éditions ultérieures, il est clair que la position de conception commence progressivement à envisager le plus grand nombre possible d'actions dans les règles, resserrant le jeu autour de règles de plus en plus prescriptives. Ce mouvement dispense presque pratiquement de la présence d'un Arbitre (ou Dungeon Master), car son rôle est de moins en moins celui de statuer en temps réel sur le déroulement des actions des joueurs, il devient, petit à petit, le "Maître faisant respecter les règles".

Compte tenu de ce contexte qui prédomine depuis plus de 40 ans sur la scène Jdr, il semble que la proposition de sauver cet "art perdu" a beaucoup de sens. Mais en quoi consiste exactement ce sauvetage ?

La proposition de ces jeux s'articule autour de règles extrêmement simples, qui proposent un support mécanique au maître et lui laissent le soin de combler les lacunes et de statuer en temps réel sur les résultats les plus variés des actions proposées. Pour que cela fonctionne, il doit bien sûr y avoir une grande confiance dans le maître. Mais, à mon avis, la confiance mutuelle entre les joueurs et le MJ est une hypothèse de base et non négociable.

Les jeux "Arnesoniens" extrêmement avant-gardistes sont ceux édités par l'éditeur Olde House Rules. Son catalogue comprend des jeux comme Barons of Braunstein (inspiré de la campagne napoléonienne du major Weseley), Pits & Perils (qui est un récit "Arnesonien" d'OD&D), Blood of Pangea (qui est un chef-d'œuvre d'épée et de sorcellerie, avec un attribut existant unique, Might !) et Diceless Dungeons (qui, comme son nom l'indique, n'utilise pas de dés. La narration se charge de piloter le jeu).

Sur leur page d'accueil on peut lire :

"James a commencé le jeu de rôle à la fin des années 1970 (oui, il est vraiment si vieux). Il aimait l'aspect amateur des premiers jeux parce que les livres de règles merdiques et les illustrations de fortune laissaient tout à l'imagination. Sa femme, Robyn, a commencé à jouer en 2002, mais a été rebutée par les systèmes trop complexes de l'époque. Après tout, à quoi sert un jeu qui fait toute votre imagination pour vous ? Ensemble, ils ont donc développé Pits & Perils, une expérience originale de la vieille école qui recrée les premiers jeux jusque dans les illustrations, les influences (début des années 1970) et le style d'écriture. Olde House Rules met l'imagination aux commandes - comme il se doit !"




Certaines des caractéristiques de ces anciens jeux pré-D&D nous permettent d'énumérer plusieurs aspects qui renforcent la simplicité de les règles : pas besoin de compter avec minuties des points de vie, les statistiques générales des personnages, etc...

Par exemple, le texte "Play Worlds, Not Rules", c'est-à-dire: play worlds, not rules, du blog Darkworm Colt susmentionné, semble correspondre aux rapports des premiers joueurs de Jdr, des expériences incroyablement immersives qu'ils ont vécues dans ces jeux.

Le but des jeux "Arnésoniens" (comme on appelle généralement les tentatives de ce sauvetage) ou des jeux "pré-D&D" est, par l'adoption de mécaniques simples, d'inciter les joueurs à plonger tête baissée dans le récit.

Dans un Jdr, le joueur est mis en relation tantôt avec le monde fictif ("J'attaque l'orc avec mon épée"), tantôt avec la mécanique ("J'ai bien compris ? Et maintenant, quels dés de dégâts dois-je lancer ?"). Le but est de favoriser l'immersion diégétique et l'interaction Joueur-Mécanique rend cela impossible (ou, du moins, difficile).

L'astuce ici est, en rendant les mécaniques simples et placées sous la responsabilité du maître, de favoriser en permanence une interaction Joueur-Monde, c'est-à-dire une immersion dans la narration proposée. D'où l'idée "Jouer des mondes, pas des règles". Ce n'est pas qu'elles n'existent pas, mais elles ne sont pas pertinentes (et même nuisibles) à l'objectif d'immerger les joueurs dans le monde fictif.

MJ : Vous avez frappé l'orc avec une belle épée. Mais il est toujours debout. Qu'est ce que tu vas faire ?

Joueur : Je vais essayer de l'achever avec mon poignard. [lancer les dés - vous pouvez utiliser un jet de 2d6 comme mécanisme universel, mais il est possible d'utiliser d20, d100, etc..., offrant plus de granularité et moins de constance, en fait lancez comme bon vous semble]

MJ : Heh, quand tu t'approches pour tenter le coup de grâce il te devance, parant ton attaque avec une de ses épées et t'attaquant à l'épaule avec l'autre, causant une légère blessure. En cela, vous observez une soudaine ferveur chez les orcs, qui commencent à pousser un cri de guerre à l'unisson.

Remarquez comment ne sont pas utilisés de termes "gamistiques" dans l'exemple, comme "Points de vie", "1d6 dégâts", "Initiative"... Ce n'est pas que ces éléments n'existent pas dans le jeu, ils existent peut-être même, mais ils ne concernent que le MJ, qui est chargé de juger, en temps réel, des conséquences des actions des joueurs. C'est ce chemin que nous empruntons depuis notre première campagne avec mes joueurs, on ne fait plus de feuilles de PJ depuis un moment et quand cela nous arrive encore comme quand nous avons lancé cette campagne motorisée (au début) par DCC, nous avons laissé tombé les feuilles après deux parties et gardé uniquement le jet de dés avec bonus/malus pour résoudre les actions ou les combats, puis au final nous sommes partis sur Mantoid Universe (uniquement pour la résolution) avec 1d12 pour toutes les actions et trois résultats : réussie, réussie mais conséquence/problème, ratée.




Quand aux combats que nous souhaitons vraiment effectuer de manière "tactique", il y a longtemps que nous privilégions des règles d'escarmouches génériques et maintenant de wargame (HOTT) ramenées aussi à du combat individuel (mais nous permettant d'inclure de grosses batailles en gardant un système unique et bien équilibré), c'est simple, 1d6 pour déterminer le nombre d'actions possibles lors du tour, actions de déplacement et d'engagement, jet mutuel pour le combat, le meilleur gagne, conséquences déterminées sur un tableau unique. Bref simple et rapide mais pas moins fun pour autant, plus fun peut-être même.




Et si l'aventure me mène à devoir inventer une règle à la volée, et bien j'improvise un truc rapide et simple, idem si je veux proposer quelques petites options supplémentaires aux joueurs pour donner plus de corps à leurs personnages pour telle ou telle situation, par exemple en ce moment et dans l'optique de notre prochaine campagne (je vous en parlerez une autre fois, un mix de Jdr et de wargame), nous allons jouer beaucoup de super-héros (équipe de héros et super-héros en mode mission "Suicide Squad" dans un futur proche Post-Apo gonzo...), donc je suis en train de réfléchir à de toutes petites options de type bonus/malus à rajouter aux jets de résolutions ou aux possibilités d'actions de HOTT, rien de lourd, juste des points en plus ou en moins sur les lancés de dés et uniquement si il est nécessaire d'en effectuer, le reste c'est du dialogue.

Donc pour résumer, nos parties s'articulent avant tout sur du dialogue, et un lancé de dé tout simple pour la résolution de certaines actions qui le nécessitent + règles de wargame très légères pour mener les combats quand nous voulons vraiment faire un truc "jeu tactique", parce que nous menons aussi des combats de manière très simple, si un gars genre Superman veut mettre une mandale à un simple gangster sans pouvoirs ou morceau de kryptonite sur lui, on a pas besoin de lancer quoique ce soit, décrire l'action suffit largement à donner la victoire à Superman. Je me rend compte que ainsi, la part belle est donnée au développement de notre univers de jeu, aux histoires/aventures s'y déroulant, et aux développement des personnages, y compris PNJ le parcourant, pas besoin de feuilles avec des tas de stats pour que mes joueurs s'approprient leurs PJ et s'attachent à eux ou les incarnent. Ils les font vivre au fur et à mesure que l'univers se développe et qu'ils participent à cela, ils connaissent leurs PJ et ce dont ils sont capables ou non, leurs donnent de vrais personnalités qui évoluent en parcourant ces mondes imaginaires et en se les appropriant, en gagnant de l'expérience en tant que protagonistes des histoires et en fonctions des actes accomplis et non en XP... Ils n'ont pas besoin de listes pour se rappeler, parfois au bout de plusieurs mois, ce qu'ils possèdent dans leurs poches ou dans leur besace...

Et puis c'est un jeu, je ne vois pas ce qu'il y a de ludique, je parle pour moi mais mes joueurs sont sur la même ligne, à ce farcir des bouquins de 300 pages (même moins je trouve que cela peut s'avérer chiant quand il ne s'agit que de règles, et je ne vois pas ce qui va rendre la chose plus immersive par rapport à un univers, un univers pour moi ne se résume pas à des points de règles pour mieux le faire vivre, mais à l'imagination qui n'a pas besoin de règles pour visualiser celui-ci et voir comment des protagonistes peuvent y évoluer) pour jouer, alors que 3 petits points de règles et un accord MJ/Joueur suffisent largement, je préfère bouquiner 300 pages de romans ou de BD, regarder un film et puiser de l'inspiration dedans pour faire vivre mes univers de jeux. Au final, la seule raison qui me pousse à acheter des manuels, c'est la collectionnite, et l'idée que je vais y trouver quelques idées pour enrichir mes parties, ce qui est rarement le cas en fait, ou du moins le ratio est beaucoup plus faible qu'avec d'autres ressources hors Jdr, ou alors j'accroche à mort à un contexte qui me parle et j'imagine autour mais ils sont rares au final, Millevaux, Neon Lords of the Toxic Wasteland, Warpland, Planète Hurlante... Quelques contextes OSR... Et je peux broder dessus pendant des mois et des mois.

Au final, je ne sais pas si nous jouons "à l'ancienne" ou FKR, mais nous jouons de la manière le plus simple possible et il est vrai que "Play Worlds, Not Rules" me semble se rapprocher de notre façon de faire.

2 commentaires:

  1. Merci pour cette présentation. En tant que MJ, je tends également de plus en plus vers le minimalisme des règles, en usant et abusant du dé FU pour improviser.

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    1. Bonjour, merci beaucoup. J'aime bien FU, j'ai imaginé quelques idées d'utilisation à droite et à gauche en fouillant dans le Blog. Mais c'est pas mal comme idée, il faut que je me procure ces dés, ils me seraient vraiment utiles maintenant que j'y pense.

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