mardi 15 mars 2022

La réflexion de comptoir du soir autour du Cyberpunk...

Spinoza, J.G. Ballard, William Gibson, Philip K. Dick, William S. Burroughs, le Cut Up, Eliza (la quasi première I.A.), le système informatique PLATO, D&D et les premiers RPG, les Wargames des années 60/70, les salles d'Arcade et les bornes d'Arcade des 70 et début 80, le mouvement Punk, le mouvement Bruitiste et Expérimental précurseur de l'Indus, du Noise..., COUM, Thimothy Leary, le LSD, Albert Hofmann, Brion Gysin et la Dreamachine, David Cronenberg, Blade Runner, le Jazz, la New Wave et le mouvement Gothique du début des 80's, le PDP-10, Dungeon, Ultima, Wizardry, Tron, Métal Hurlant et Heavy Metal, Moebius, Druillet, Allen Ginsberg, Spacewar!, le Tokusatsu Japonais, Jack Kerouac, Bruce Sterling, H.P. Lovecraft, Alien, H.R. Giger, Alan Turing, les films noirs des années 50, les romans de SF et d'Anticipation, le mouvement Rétro Future, Frankenstein, Thomas Pynchon, l'Apple II, Arpanet, Hassan ibn al-Sabbah le vieux de la montagne, Python Anghelo, Gilles Deleuze, Yellow Submarine des Beatles, Marshall McLuhan et bien d’autres sources…

Pourquoi je cite toutes ces références diverses et variées, tout simplement parce que je viens de lire un bouquin sur le Cyberpunk dans le but de m'imprégner en vue d'une possible réorientation de notre campagne dans un avenir plus ou moins lointain. Ce genre me fascine, sans m'attirer pour autant et ce livre m'a peut-être fourni quelques explication à cela.

L'histoire du Cyberpunk, des origines littéraires aux dérives vidéo-ludiques.

Né de mots, de nouvelles et de romans, "truc vaguement marketing" ou "escroquerie" pour certains, révolution pour d’autres, le Cyberpunk est plus que jamais sur le devant de la scène aujourd’hui. La sortie de Blade Runner 2049 il y a quelques années, l’arrivée de Cyberpunk 2077, Matrix 4, la multitude de productions indépendantes situant leur action dans un futur sombre, tout semble aller dans le sens d’une résurgence, d’une nouvelle vague "cyber" dont le jeu vidéo se ferait autant héraut que porte-étendard. Oui, mais pour beaucoup, le cyberpunk, le vrai, de mots, est mort au début des années 1990 avec la défection de ses créateurs, partis explorer de nouveaux champs littéraires. Il ne reste alors plus qu’une image, qu’une vision passée du futur sans cesse mise à jour, upgradée, et plus encore dans un jeu vidéo aux formes, interactions et objectifs toujours mouvants, média seul à pouvoir saisir et développer toutes ses potentialités. De ses racines littéraires et vidéo-ludiques, les plus obscures et profondes, aux films les plus emblématiques du genre, L’histoire du Cyberpunk se propose de revenir sur la longue mutation d’un genre dont l’esthétique et les thèmes ont modifié, parfois drastiquement, le visage du jeu vidéo.




Le livre revient d'abord sur les origines du genre. Avec bien évidemment le roman Neuromancien de William Gibson, père du cyberpunk qui a posé les bases et les codes de ce dérivé de la science-fiction, mais également tout un tas d'autres œuvres, que ce soit des romans, des essais, de la musique et même du jeu vidéo, j'en reviens donc aux références citées plus haut. Le livre s'axe toutefois beaucoup autour du jeu vidéo, mais le cyberpunk est depuis toujours proche du monde vidéoludique, l'époque fourmillait de nouvelles technologies et possibilités pour créer des expériences inédites, qui inspirent et s'inspirent du cyberpunk. Ce livre reste une introduction au genre passionnante pour les personnes s'intéressant à la science-fiction, au cyberpunk et aux prémices du jeu vidéo, mais il faut s'accrocher. Les différents noms de créateurs et d'œuvres fusent, la documentation de l'auteur est vertigineuse, L'histoire du cyberpunk ne se lit pas comme un roman d'aventure, mais nous plonge dans un univers pas si lointain, lorsque des passionnés de SF découvraient les mondes virtuels et s'en inspiraient pour créer les premières œuvres cyberpunk. Riche en informations donc, L'histoire du cyberpunk offre quelques apartés avec des pages dédiées à des termes, des jeux ou des œuvres pour revenir en détail, mais sur quelques lignes avec des illustrations, sur des points bien précis. La transition entre William Gibson et Deus Ex est évidente, le jeu d'Ion Storm conçu par Warren Spector tient une place dominante dans l'ouvrage, il a révolutionné le genre du FPS/RPG et popularisé le cyberpunk dans le milieu du jeu vidéo, mais il était déjà existant avant. L'adaptation Neuromancer d'Interplay est évoquée, évidemment, mais un tas de titres y passent, pas forcément connus du grand public, ce qui fait de L'histoire du cyberpunk une vraie mine d'or pour les curieux voulant découvrir de vieux jeux vidéo cyberpunk, avec également des titres bien loin de la science-fiction, mais qui ont eu une influence majeure sur les futures productions, à l'instar de Dungeon Master, RPG de FTL Games qui a révolutionné le jeu vidéo grâce à ses donjons à explorer en temps réel.




Donc de ses origines littéraires à ce que c’est devenu dans le jeu vidéo et la culture populaire. Ce que je retiens, c'est qu'au départ, il s'agissait d'une simple appellation pour quelques nouvelles d’anticipation sombres sur notre futur et comment la technologie pourrait autant nous asservir que nous servir d’échappatoire, un non-mouvement qui se voulait éphémère et juste un coup de gueule contre les dérives de notre société des années 80 comme le mouvement punk (autre mouvement censé être éphémère et correspondre à un malaise social de l’époque). Parce que le Cyberpunk avant de devenir cette dérive chromée et bourrée d’implants pour frimer, ces terribles et viles Mega-corporations dignes de l’Empire de Star Wars, oui c’est bien à propos d’ailleurs parce que finalement maintenant quand je vois des trucs censés être Cyberpunk, jeux vidéos, séries ou films, jeux de rôle…, c’est guère différent de Star Wars ou les films du MCU, on change juste d’époque ou de lieu, on enlève les aliens ou les dieux nordiques, on peut les remplacer par des orques et des elfes pourquoi pas, mais au final ça ne change pas beaucoup, on rajoute quelques complots sur fond d’espionnage industriel ou de vol de données… Mais où est passé la vraie crasse, les luttes sociales, les échappatoires hallucinés de camés plutôt que de joyeuses balades dans le cyberespace, le réseau…

En fait je me faisais la réflexion par rapport aux jeux de rôle notamment, que le vrai jeu Cyberpunk en reprenant les différentes références citées plus haut, ce n’est pas le jeu du même nom ou encore Shadowrun & co, ce serait plutôt Mantra Oniropunk de Batronoban. Car oui, toutes ces références constituent le terreau dans lequel le Cyberpunk, terme qui était censé connaître une existence aussi éphémère que ce mouvement littéraire qui ne se voulait être qu’un simple agitateur de son époque. C’est de ce mélange de contre culture, de SF, d’Anticipation, d’étudiants sur les campus américains des 70´s jouant à des jeux de rôle et des wargames et voulant émuler ces expériences dans les premiers PC émergents, de penseurs et d’agitateurs de conscience, d’expérimentations psychédéliques à coup de LSD et de concepts de plongée dans son subconscient, de voyages intérieurs, d’échappatoire vers un ailleurs, de salles d’arcade naissante où les premiers jeux vidéos scotchés les utilisateurs comme un bon trip tout en les robotisant dans des mouvements qui finissaient par devenir automatiques, perte des repères pour s’incarner dans autre chose, une machine peut être ? C’est cette société sortant de nombreuses crises et s’enfonçant dans d’autres ou le capitalisme redevenait triomphant sur fond de guerre froide et de menaces nucléaires, de complots divers et variés faisant ou défaisant dictateurs et guérillas dans de nombreux pays au grès des marchés, c’est tout ces mouvements qui disaient no future n’ayant plus d’illusions ou qui dans la clandestinité rentraient en lutte contre un ordre social établi et sclérosé, c’est de l’art, de la musique, de l’espoir et du désespoir, des échappatoires et des luttes et une société qui semblait trahir ses enfants…




Bref avant que cela devienne un phénomène de mode vidé de son sens, comme le Punk dans un autre registre, c’était une sorte de cri d’urgence pour nous avertir des possibles dérives de notre société et des échappatoires illusoires dans lesquels nous nous réfugierons, finalement on y est arrivé et le Cyberpunk est devenu lui même l’un de ces échappatoires roses bonbons dans lesquels nous nous plongeons allègrement à chaque fois que l’on va sur les réseaux sociaux ou dans des jeux vidéos tous faussement contestataires et offrant une liberté de pacotilles.

Je me suis amusé à réaliser un tableau Pinterest qui regroupe plein d’images de ces différentes sources qui ont inspiré le Cyberpunk (qui a vocation à évoluer, vive le cyber...), je trouve que cela permet de mieux visualiser ses origines et ce qu’il aurait put être, gris, punk, crasseux, expérimental, drogué, psychédélique, sexuel, déviant, antisocial, déprimé, sans espoir, avec des échappatoires ludiques, lumineux ou menant vers la maladie mentale ou la lutte clandestine, artistique et agitateur de conscience, un monde ou le métal et l’électronique font mal à la chair et à l’esprit mais où on peut y éprouver un plaisir fétichiste… et surtout un phénomène éphémère et ancré dans une époque et projetant son avenir malade quelques décennies dans le futur.

 


Pour en revenir au Jeu, c’est dans ce type de contexte que j’ai envie de plonger mes PJ, le Multivers serait virtuel et serait l’un de ces échappatoires accessibles par la drogue ou d’autres expériences comme dans Total Recall par exemple, les gouvernements et autres multinationales y enverraient aussi leurs agents par d’autres biais, des expériences de types MK-Ultra ou encore mieux, le projet Stargate, en fait imaginons un truc du genre des expériences menées dans le laboratoire de la série Stranger Things… Les PJ iraient juste vivre toutes sortes d’aventures pour s’échapper de leur quotidien pourri et les autres chercheraient juste à exploiter cela à des fins de contrôle des masses, commerciales ou juste pour surveiller les personnes trop dissidentes dans une sorte de chasse aux sorcières comme au temps du maccarthysme, mais dans un Multivers virtuel…

 


Bon tout ça c’est bien beau mais c’est juste une réflexion que je me faisais en lisant ce bouquin, je ne veux pas critiquer car je ne suis pas assez expert sur ce domaine ni spécialement fan. Juste je me disais que j’aurais pu l’être si il était resté fidèle à ses prismes de départ qui me parlent plutôt bien ayant évolué plus jeune dans toutes ces cultures de marges. Et j’aime Cyberpunk, Shadowrun et consorts mais pour moi, c’est comme Star Wars, ce n’est pas de la SF, du Cyberpunk originel ou de l’Anticipation, on est dans du Space Opera, de la Fantasy. Je relisais Shadowrun il y a quelques mois et, je ne parle pas système mais background, j’ai plus l’impression d’un univers de Space Opera contemporain, de comics dans lequel on a injecté du D&D, ou du D&D se passant dans un futur très proche de notre terre… Le background est très riche quand on couple cela avec les grandes intrigues du monde et le lore depuis la nuit des temps en passant par Earthdawn, mais je regarde cela comme je me plongerais dans Star Wars HoloNet ou dans cette chronologie de l'univers Marvel. Je ne m’étonne pas de voir des modifiés très Cyberpunk dans l’interprétation que l’on s’en fait maintenant apparaître dans la série "The Book of Boba Fett", et en même temps cela semble si évident, je regardai il y a quelques semaines les "Cyber City Oedo 808" et avec mon fils on se disaient que ces histoires et ces personnages auraient très bien trouvé leur place dans "Space Adventure Cobra"… Vous voyez où je veux en venir. Donc, je ne dis pas que je n'aime pas ce type de paramètres, mais je réalise que ce n'est pas du Cyberpunk, du moins comme cela aurait été censé l'être au départ, c'est passé au filtre de la Fantasy et de la Pop Culture pour en ressortir fun et édulcoré. Mais c'est le cas de bien d'autres choses aussi.






Donc j'ai envie de ramener cette part sombre et déviante dans mon univers de jeu, mais la vrai noirceur, la noirceur sociale, la décrépitude des choses et des esprits, pas un verni de "dark". Dans un autre genre, Millevaux retranscrit bien cela aussi, même si l'univers est forestier et se veut poétique, on y ressent une vraie noirceur des âmes et des gens, de cette société qui s'est décomposée et d'un présent ou l'horreur et la folie ne sont jamais loins, mais offrant quelques moment d'échappatoires lumineux au sein de l'ambiance oppressante et de la crasse.

C'est un peu comme le Post-Apo, ce serait plus logique de passer d'une société en bout de course comme dans Mad Max 1 à un monde de survivants comme dans "La Route",qu'à des barbares punks en slips de cuir clouté chevauchant des véhicules bardés de pointes ou de chrome, là c'est de la Fantasy, du fun, "La Route" c'est le malaise d'une société qui a péri et où les comportements hors normes deviennent la norme pour survivre, mais un monde de survie qui ressemble encore beaucoup au notre, comme un miroir qui nous renvoie à nous même et à ce que nous serions prêt à faire pour survivre. Personnellement, même si c'est beaucoup plus horrible, je pense que cela ressemblerai plus à la réalité d'un monde après l'effondrement où les hommes iraient puiser dans ce qu'il y a de plus noir en eux, oubliant toute morale pour poser les bases d'une nouvelle société cruelle qui dans un nouveau cycle se reconstruirait et finirai par redevenir plus civilisée. Vous me direz c'est pareil dans les Mad Max, mais j'ai du mal à visualiser des tas de personnes s'habillant en Conan / Punk avec en tête un prisme Pop Culture Post-Apo et s'embarquant dans des véhicules de guerre chromés crachant des flammes.

 
Une image qui nous semble malheureusement tellement d'actualité...

Là on est dans le fun total...


En fait je pense et c’est ce qui entraîne cette fuite en avant vers des paramètres de Fantasy, c'est que le Cyberpunk et le Post-Apo à la Mad Max 1, nous y sommes, regardons le contexte social, le contexte géopolitique, les promesses d’émerveillement béat que nous offre l’industrie des loisirs, la technologie dans tout ce qu’elle a de plus abrutissant qui s’immiscent partout dans nos vie… Nous y sommes dans ce futur sombre, autant celui du Cyberpunk que celui de Mad Max 1, mais c’est le quotidien, ça ne fait pas rêver, il n’y a pas de supers implants chromés qui font de toi un super humain amélioré, au mieux des puces qu’on t’implante sous la peau pour payer avec ton numéro de CB ou pointer au boulot, les améliorations corporelles sont plus proches d'un certain fétichisme avec toutes sortes de variantes de piercings et d'implants, là on se rapproche de Molly Millions et ses lames de rasoir implantées dans les ongles, peut-être peut-on imaginer des électrodes reliant notre cerveau à la matrice, cela existe déjà dans la recherche médicale, comme des supers prothèses... Mais c’est moins fantasmagorique que ce que la Pop culture à fait du Cyberpunk où nous serions tous des sortes de Cyborg ultra performants à la limite du super héros et tellement stylés. Non, dans notre société, souvent c'est le handicap qui va bénéficier de ces "aides" corporelles, ou des nouvelles tribus urbaines alternatives qui voient leur corps comme une matière première pour de l'art dérangeant et antisocial mais qui ne reproduisent que ce qui s'est toujours fait à travers les siècles dans de nombreuses cultures, et quelques prophètes du Transhumanisme qui se rêvent immortels... Sans oublier la chirurgie esthétique qui dans certains cas est utile et médicale, mais souvent ne sert qu'à compenser quelques frustrations et l'envie d'être au top sur Instagram. Alors petit à petit au lieu de voir que nous y sommes dans ce futur, que c’est tout pourri et que les promesses faites n’ont finalement pas une saveur aussi sulfureuse, on continue à projeter ces thèmes dans d’incroyables futurs les rendant au mieux amusants et un brin épiques, au pire indigestes et bourrés de la SF la plus insignifiante. Mais cela reste fun il est vrai, mais pas marquant.

C'était la réflexion de comptoir du soir, peut-être que j'ai tout faux mais je ne connais pas suffisamment le sujet, c'est juste un constat que je me fais par rapport à mon idée du sujet et l'impression qu'il est passé à côté et que c'est peut-être cela qui fait que je n'ai jamais réussi à accroché. Pour en revenir à Star Wars, j'aime Star Wars mais pas plus que ça, juste c'est distrayant et ça rempli bien son boulot, ben pour moi le Cyberpunk actuel c'est pareil, mais je préférerai toujours Star Wars car il y a son lot d'aliens rigolos en plus...

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