Les Mazzeri chassent seuls. Bien qu'il soit une personne physique au même titre que tout le monde, ayant une vie sociale et personnelle, il est considéré par la communauté comme un être surnaturel liant l'au-delà au monde des vivants. Dans la vie courante, les mazzeri sont des êtres pacifiques. On reconnait les mazzeri à leur regard : ils ne vous regardent pas, mais regardent à travers vous. On dit que le mazzeru choisi devient absent, rêveur, qu'il aime la solitude et a des visions prophétiques. Il garde cet état dépressif et cette tristesse, sans doute parce qu'il a conscience d'être l'instrument involontaire de la mort comme l'est l'Ankou breton. L'ethnologie révèle que l'image du mazzeru se construit en opposition à la stregha (la sorcière): là où la stregha, antithèse de la femme au foyer, fait le mal volontairement, le mazzeru donne la mort malgré lui et règle ainsi l'équilibre du cosmos. Dans le rapport à la communauté, malgré son pouvoir, le mazzeru est totalement intégré tandis que la stregha, image du chaos, vit à l'écart du monde civilisé.
Leur arme préférée est un lourd bâton, un gourdin ("mazza"), mais ils utilisent aussi le fusil, la lance, la hache, le poignard, le couteau et les pierres.
Parce qu'il est au seuil de deux mondes, des religions, il appartient aux espaces frontaliers et aux lieux les plus sauvages, aux cols les plus désolés, aux gués, aux rivières. Ces croisements sont ses lieux de prédilections. La chasse se déroule en embuscade et suit le même schéma que la chasse traditionnelle, près des points d'eau, en des lieux incultes, sauvages et impénétrables. Les cours d'eau marquent la limite d'un monde à l'autre. L'eau est aussi un lieu de prédilection des esprits, des morts qui n'ont pas expiés leurs péchés ; ces esprits sont en relation avec les mazzeri. Parfois ils chassent aussi dans les rues.
Une fois la bête tuée, il la retourne sur le dos et c'est alors qu'il voit se métamorphoser la tête d'un animal en visage d'une personne qu'il connaît et qui appartient à son espace social. La personne reconnue mourra infailliblement dans les trois jours à un an qui suit. Il peut ne faire que blesser un animal et la personne aura un accident ou tombera malade. Ce sont les mêmes parties du corps qui sont affectées. Sa fonction peut ainsi se révéler bénéfique : il peut agir sur le déroulement des choses et en changer le cours en faveur de l'individu qu'il reconnaîtra.
La chasse onirique :
La période de chasse se déroule pendant les rêves. Le plus souvent, cela se passe près de chez elle, dans des paysages reconnaissables. La distinction entre rêves et réalité n'est pas aisée. Certains mazzeri sortent vraiment la nuit. D'autres ne sortent que pendant les rêves. Il y a alors une sorte de dédoublement de la personnalité. Difficile de savoir si ce sont les mazzeri qui rêvent ou les témoins qui prétendent les avoir vus dans leur activité, alors que les mazzeri ne se rappellent pas avoir rêvé ou être sorti la nuit.
L'explication des mazzeri : c'est leur âme ou esprit qui sort. L'esprit pendant la chasse, rencontre celui de sa victime qui a pris forme animale. Quand il tue l'animal, il sépare l'esprit du corps, le corps pouvant survivre quelque temps, mais cette survie n'est qu'un sursis.
Certains mazzeri racontent qu'ils vivent leurs rêves comme s'ils leur étaient imposés par une force supérieure, leurs actes échappant au contrôle de leur volonté. Ils ne peuvent même pas choisir leurs victimes. Toutes les personnes appelées à chasser en rêve ne réagissent pas de la même façon. Certains le font à contrecœur, sous la contrainte et la culpabilité, d'autres s'en réjouissent. Pour certains, la chasse devient une véritable drogue, une dépendance, exerçant une fascination sinistre.
I Mandrache :
Les mazzeri d'un même village ne sont pas hostiles entre eux, à la différence d'avec ceux des autres villages. La Mandrache est une bataille entre les mazzeri de deux villages. Ils ont lieu habituellement sur un col. Cela se passe la nuit du 31 juillet au 1er août, groupé en milices, affrontant ceux de la communauté voisine. Cette guerre se fait à l'aide d'asphodèles. L'enjeu de cette guerre végétale détermine le taux de mortalité de l'année à venir, dans chacune des communautés. Chez les vainqueurs, la mortalité sera faible, chez les vaincus, forte.
Transmission du don et guérison :
Pour devenir mazzeru, il faut avoir un don psychique, dont l'origine est mystérieuse, et être initié, le plus souvent par un membre de la famille puisqu'il se transmet généralement de façon héréditaire. La vocation est obligatoire, on ne peut s'y soustraire. Tout au plus, l'initiateur peut faire en sorte que son nouveau confrère ne soit pas "mazzeru acciaccatore", c'est-à-dire tueur. Dans ce cas, il sera "mazzeru" tout court, c'est-à-dire "salvatore", sauveurs d'âmes et comparable en cela au chaman blanc asiatique ou au sorcier blanc de France, qui sont des guérisseurs.
Le mazzeru, pour Roccu Multedo, paraît être à la fois sacrificateur, psychopompe et guérisseur. L'animal chassé représente l'âme d'un malade qui s'ignore, que le mazzeru ne connaît pas encore, âme qui vient de quitter son corps. Ce départ de l'âme est justement la cause de la maladie. Le mazzeru sacrificateur poursuit l'animal et le tue afin de l'offrir à Dieu, et d'obtenir ainsi la guérison du malade. Il va s'agir ensuite pour le mazzeru guérisseur d'essayer d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que le sang coagule et de faciliter au malade, ainsi privé de son âme, la périlleuse traversée du pont ou du gué qui constitue la frontière par excellence entre les deux mondes et ce, malgré les "mazzeri-acciaccatori" (tueurs) qui vont tout faire pour l'en empêcher.
I Mandrache
La magie est le pouvoir d'agir sur les forces du mal.
Il y a deux sortes de magie: La magie noire que l'on pratique pour nuire à son ennemi et la magie blanche destinée à aider et à guérir ceux qui sont possédés par le mal.
La magie blanche est pratiquée par ceux que l'on nomme signadori ou incantatori. Ils possèdent aussi un don divinatoire et on va les consulter quand on se sent poursuivi par la malchance, pour être libéré d'un envoûtement (annuchjatu) ou pour lutter contre la maladie. Voici comment ils opèrent :
L'incantatore prend une assiette à soupe remplie d'eau, l'impose sur la tête de l'envoûté, se signe trois fois en récitant une formule d'exorcisme et dit une prière en faisant tomber lentement quelques gouttes d'huile dans l'assiette remplie d'eau. Suivant la façon dont les gouttes se comportent il sait si le mauvais sort a été ou non chassé.
Ce don de soigner (ochju) est transmis selon un rituel très précis: une prière que l'on transmet uniquement la nuit de noël. Si la prière, que l'on doit apprendre par cœur, est transmise en dehors de cette nuit de noël, le pouvoir est perdu.
Le Mazzeru (sorcier) est un personnage doté de pouvoirs surnaturels et capable de donner la mort de façon magique.
C'est la nuit, en songe, que le Mazzeru quitte son lit, poussé par une force mystérieuse, pour parcourir la campagne à la recherche d'une proie. Posté derrière un arbre ou dans un bosquet impénétrable, il guette l'animal qui se laissera surprendre. Une fois qu'il l'aura tué, il sortira de sa cachette pour retourner l'animal sur le dos. C'est alors qu'il s'aperçoit que l'animal a en réalité le visage d'une personne qu'il connaît.
Cette personne mourra le lendemain ou peu de temps après.
Parfois le Mazzeru est éveillé, c'est une nuit de pleine lune, il se lève pour fermer les volets et voit deux lièvres dans le jardin. Il prend son fusil et tire sur un lièvre et le tue tandis que l'autre s'enfuit.
Plus tard dans la nuit, on frappe à sa porte, il se lève et son fils entre affolé: l'un de ses deux enfants vient de tomber brusquement très malade, il faut aller chercher le docteur.
A ce moment là, le Mazzeru réalise avec horreur que l'histoire des deux lièvres avait une signification: "c'est trop tard, le docteur ne pourra rien y faire, le petit est mort, c'est moi qui l'ai tué".
Ce rêve prémonitoire, cette vision, c'est la particularité des Mazzeri qui voient ce que les autres ne peuvent pas voir. (Source)
Pour aller plus loin (en anglais).
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